Au cours de l’évolution, des différences ont été observées dans la structure et le fonctionnement des cerveaux mâles et femelles. Au laboratoire du GIGA-Neurosciences (ULiège), l’équipe de Julie Bakker, directrice de recherche F.R.S-FNRS, tente d’élucider les mécanismes génétiques et hormonaux qui entrainent cette différenciation sexuelle dans le cerveau.
Depuis 3 ans, les scientifiques se penchent notamment sur la fonction des hormones sexuelles sur le cerveau des adolescents, à la puberté.
Un cerveau sexué
Pour rappel, l’homme et la femme se distinguent génétiquement par leurs chromosomes sexuels. Ce sont ces chromosomes qui caractériseront les organes reproducteurs, les ovaires et les testicules, chez le fœtus. Ces organes deviendront par la suite les centres de production des hormones sexuelles (œstrogènes et testostérones), qui joueront un rôle clé dans les différences entre garçons et filles au niveau cérébral.
Les scientifiques suspectent toutefois que l’action des hormones sur le cerveau peut varier, indépendamment du sexe de la personne. Le laboratoire a ainsi récemment découvert que le cerveau des personnes transgenres ressemble davantage au genre souhaité qu’à leur sexe biologique.
« Ces recherches ont mis en évidence l’importance des hormones dans la différenciation sexuelle du cerveau. Et nous nous demandons aujourd’hui si ces hormones continuent d’influencer le cerveau après la naissance. Supposant que la puberté serait une période supplémentaire dans cette différenciation » indique la Dre Julie Bakker, directrice du GIGA-Neurosciences.
Le cerveau des ados en construction
Nous savons que la puberté est une période de transition qui se caractérise par une accélération de la croissance, le développement des appareils sexuels et de reproduction. Mais qu’en est-il du cerveau ?
« On sait que certaines régions du cerveau continuent de se construire jusqu’à 20 ans. C’est par exemple le cas du lobe frontal. Le tout est de savoir si l’évolution du cerveau à cette période est seulement liée à la croissance. Ou si les hormones sexuelles ont une incidence sur le développement cérébral des garçons et des filles à ce moment-là » se questionne la neuroendocrinologue.
Pour y répondre, l’équipe de Julie Bakker étudie et compare le fonctionnement cérébral de deux groupes à l’aide d’IRM fonctionnelle et structurelle.
Le 1ergroupe se compose de personnes atteintes du syndrome de Kallmann. Dans leur cas, la puberté ne se manifeste pas spontanément. Et doit être provoquée par des médicaments. Le second groupe comprend quant à lui des personnes ayant une puberté précoce (avant 10 ans) ou tardive (après 15 ans), sans pathologie.
« L’idée est d’analyser la manière dont ces hormones sexuelles agissent sur le cerveau durant le processus de puberté. Et si elles influencent ou non la différenciation dans le cerveau des garçons et des filles ».
Inhiber la puberté, une bonne idée ?
Au-delà d’améliorer notre compréhension du cerveau, cette étude vise à mieux déterminer l’impact des traitements chez les enfants souffrant d’une ‘dysphorie de genre’ (DG).
Ce mal-être est provoqué par le décalage entre le sexe qui leur a été attribué à la naissance et leur identité de genre. Bien que la DG ne touche pas nécessairement toutes les personnes transgenres.
« Les stratégies de traitements actuelles impliquent parfois des prises de médicaments qui inhibent le processus de puberté. Le but est de laisser plus de temps à l’enfant et sa famille pour réfléchir à un éventuel changement de sexe. Tout en évitant le stress de voir le corps évoluer ».
« Notre étude permettra de savoir si inhiber cette puberté n’est pas risqué pour le développement cérébral et la différenciation sexuelle » souligne la Dre Bakker.
Les résultats du projet permettront dans tous les cas de mieux diagnostiquer et prendre en charge ces enfants.