Le Pr Patrice Cani (UCL), entouré de son équipe.
Le Pr Patrice Cani (UCL), entouré de son équipe.

Akkermansia: une « bonne » bactérie pour contrer l’obésité et le diabète de type II

28 novembre 2016
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Le microbiote intestinal, ce qu’on appelait anciennement la « flore intestinale », livre lentement ses secrets. Les dernières découvertes réalisées dans ce domaine par le Pr Patrice Cani, à l’Université Catholique de Louvain (UCL), laissent même entrevoir de nouvelles pistes pour lutter contre l’épidémie d’obésité et de diabète de type II. Ces « maladies de civilisations » pourraient ni plus ni moins être enrayées par une des multiples bactéries que nous hébergeons dans nos intestins: Akkermansia muciniphila.

 

« Nous travaillons sur cette bactérie depuis plusieurs années », explique le Pr Cani, du Louvain Drug Research Institute.  « Nous avons déjà pu montrer qu’elle jouait un rôle bénéfique chez les souris obèses et/ou souffrant de diabète ». Une démonstration faite en 2013 par l’équipe de l’UCL, en collaboration avec un chercheur hollandais, le Pr Willem de Vos, de l’Université de Wageningen.

 

Ce qui fonctionne chez la souris n’est pas nécessairement valable chez l’être humain. Le premier problème à résoudre concerne d’abord la culture d’Akkermansia destinée à être testée chez l’homme. Ensuite, il convient de tester cette bactérie chez des sujets humains. Depuis décembre 2015, un test de sécurité est en cours aux cliniques universitaires Saint-Luc (UCL), à Bruxelles. Une quarantaine de volontaires ont testé la fameuse bactérie. Son innocuité a ainsi pu être démontrée.

La pasteurisation booste l’efficacité de la bactérie

Les derniers progrès enregistrés dans cette recherche sont publiés cette semaine, dans la revue Nature Medicine. Ils sont de deux types.

« Nous avons pu montrer que la bactérie Akkermansia pasteurisée reste active et efficace pour enrayer le développement de l’obésité et du diabète chez les souris », explique le Pr Cani. Mieux encore, cette pasteurisation booste son efficacité en la multipliant quasi par deux!

 

D’autre part, les chercheurs ont pu identifier la protéine de surface de cette bactérie? Il s’agit de la protéine qui confère l’effet bénéfique de la bactérie sur la limitation de l’obésité et du diabète de type II (toujours chez les souris). Appelée « Amuc 1100 », cette protéine peut désormais être produite en laboratoire en vue de son administration chez l’homme. Et son innocuité sur la santé a également été démontrée à l’UCL.

« Maintenant que nous savons que la bactérie pasteurisée et sa protéine de surface utile sont sans danger pour la santé, nous lançons une nouvelle étude afin de démontrer l’efficacité réelle d’Akkermansia chez l’être humain », explique le scientifique.

 

Microbes4U

 

« Nous recherchons dans ce cadre une cinquantaine de volontaires pour ce nouveau volet de nos recherches. Ceux-ci doivent remplir toute une série de critères pour y participer. Ils rejoindront la quarantaine de volontaires déjà enrôlés.

 

L’étude durera trois mois avec prise quotidienne d’Akkermansia. « Bien sûr, nous ne nous attendons pas à des effets spectaculaires sur l’obésité », prévient le chercheur. « Ce que nous espérons surtout pouvoir mesurer, c’est une évolution dans certains marqueurs du syndrome métabolique. Une évolution du cholestérol par exemple ».

 

Ecoutez le Pr Cani résumer ses dernières découvertes

Les travaux de Patrice Cani et de son équipe ouvrent également la voie à de nouvelles pistes de recherche. Notamment en ce qui concerne d’autres pathologies qui pourraient être traitées grâce à Akkermansia. « La protéine « Amuc 1100 » bloque le passage des toxines dans le sang au niveau de l’intestin, ce qui peut renforcer les défenses immunitaires de l’organisme », indique-t-il.

 

Les progrès enregistrés dans les recherches sur Akkermansia sont prometteuses. A tel point que plusieurs brevets ont déjà été déposés par les partenaires de ces travaux, en Belgique et aux Pays-Bas. Même la Région Wallonne est entrée dans la danse. Nous avons bénéficié du programme « First Spin Off » pendant deux ans, afin de démarrer l’étude clinique », confirme Patrice Cani. « Au vu de ses bons résultats, nous avons bénéficié d’une reconduction d’un an ».

 

Akkermansia n’a peut-être pas encore dit son dernier mot…

Haut depage