La préparation de la candidature de la Belgique, mais aussi des Pays-Bas et de l’Allemagne pour accueillir le futur télescope Einstein (ET, ou Einstein Telescope) avance à grands pas. Les partenaires viennent de faire le point sur l’état d’avancement de leurs travaux exploratoires à l’occasion de la fin de deux projets de recherches préliminaires.
Le choix de la localisation de cette future grande installation scientifique européenne de détection d’ondes gravitationnelles n’a pas encore été arrêté par l’Europe. Outre le projet belge (et hollandais et allemand), un autre site est proposé par l’Italie (en Sardaigne). Plus récemment, la Saxonie (Est de l’Allemagne) s’est aussi manifestée. Les deux études préparatoires à la candidature officielle qui viennent d’être menées par la Belgique et ses partenaires visent à muscler leur candidature.
Le sous-sol sous la loupe
Le télescope sera enterré à 250 mètres sous la surface. Dans le cadre du dossier qui concerne notre pays, le site susceptible d’accueillir le futur détecteur d’ondes gravitationnelles le plus puissant jamais développé se situe sous la frontière belgo-germano-hollandaise. Le projet de recherche Interreg de l’Euregio Meuse-Rhin baptisé E-Test s’est donc notamment intéressé à la qualité du sous-sol de la région.
Le télescope Einstein est une machine souterraine affichant la forme d’un triangle équilatéral. Chaque côté mesure 10 kilomètres de long. Aux angles de ce triangle, on retrouve de lourdes structures destinées à abriter des miroirs et les détecteurs des trois interféromètres. Ces instruments doivent impérativement être déconnectés des perturbations terrestres (sismologiques) et humaines (vibrations du trafic, des éoliennes, etc.).
Résultats des recherches ? « Le site est bon pour le service », commente le Pr Frédéric Nguyen, de la Faculté des Sciences appliquées de l’Université de Liège. « Nous avons réalisé trois forages dans le cadre du projet et plusieurs dizaines de kilomètres d’imagerie du sous-sol », précise-t-il.
« Nous avons également réalisé des tests afin de déterminer si les conditions relatives à la mécanique des roches étaient adéquates pour la construction du télescope. Tout cela nous montre que le site est favorable en ce qui concerne les niveaux de vibration, l’impact environnemental du projet et l’impact sur les eaux souterraines. »
« Davantage d’études sont toutefois encore à mener afin de déterminer les localisations les plus pertinentes pour l’installation des coins du télescope. Ceci afin d’éviter d’importants surcoûts lors de sa construction. »
Un miroir cryogénique en silicium en test au Centre spatial de Liège
L’autre grand volet du projet E-Test portait sur la mise au point d’un prototype de miroir suspendu cryogénique. Il s’agit d’un miroir fonctionnant par – 250 °C (20 kelvins). Cette technologie innovante doit améliorer la sensibilité du télescope pour la détection des ondes gravitationnelles. Sous la houlette du Centre Spatial de Liège (CSL), onze partenaires sont impliqués dans ce volet du projet.
« Nous avons mis au point un prototype de miroir suspendu pour températures cryogéniques », précise le Pr Christophe Collette, du Département Aérospatiale et Mécanique, de la Faculté des Sciences Appliquées de l’ULiège. « Ce miroir doit être isolé des vibrations sismiques à très basse fréquence. Il s’agit d’une technologie radicalement différente par rapport à ce qui existe actuellement. Ce prototype unique au monde capitalise sur les expertises qui existent dans divers domaines. Je pense notamment au refroidissement radiatif, une technologie maîtrisée au Centre spatial de Liège. Mais aussi au système d’isolation, à l’électronique, aux capteurs, à l’optique… »
Le projet est désormais dans sa phase finale de validation. Depuis le 21 novembre 2023, la chambre à vide du CSL accueille le fameux miroir. Il va y être fortement refroidi pendant plusieurs semaines. « Cela va nous permettre de valider notre capacité de fabriquer le télescope Einstein », indique le scientifique.
100 kilos pour un diamètre de 45 centimètres
Le miroir en lui-même est assez exceptionnel. Fabriqué aux États-Unis, il a été poli par la société Amos, spécialisée dans ce type d’instruments. Le miroir en silicium est aussi remarquable par sa masse. Pour un diamètre de 45 centimètres, il affiche une masse d’une centaine de kilos. Au final, plusieurs dizaines de tels miroirs équiperont le télescope Einstein.
« Le projet du télescope Einstein est un projet absolument majeur », souligne de son côté Willy Borsus, Vice-président du gouvernement wallon et ministre de l’Economie et de la Recherche (MR). « Ses retombées le seront tout autant, en ce qui concerne l’Europe et plus largement la communauté scientifique. »
Un avis que partage la Pre Anne-Sophie Nyssen, rectrice de l’Université de Liège. « Avec ce projet, nous participons aussi à la naissance d’une nouvelle discipline scientifique », commente-t-elle. « Il s’agit d’une opportunité extraordinaire pour nos chercheurs d’étudier des questions de physique, mais aussi pour faire des découvertes déterminantes en ce qui concerne l’origine de l’Univers. C’est pour cela que dès le début, notre université s’est mobilisée pour ce projet.»
Le choix du site sera posé en 2026
Le prochain rendez-vous ? Le 26 septembre 2023, une déclaration d’intention entre les différents niveaux de pouvoirs impliqués, en Belgique, mais aussi aux Pays-Bas et en Allemagne, a été signée à Bruxelles. Cette signature marque le début du processus pour le dépôt d’une candidature commune pour accueillir le télescope Einstein dans la région des trois frontières.
« La sélection du site de construction de l’infrastructure est prévue en 2026 », indique de son côté le Secrétaire d’État en charge de la Politique scientifique fédérale, Thomas Dermine (PS). « La construction de l’infrastructure devrait démarrer en 2028. Le télescope Einstein devrait être opérationnel à l’horizon 2035-2036. Ce sera un outil fantastique qui livrera des données scientifiques pendant au moins 50 ans. »