Un front glaciaire en retrait de la calotte du Groenland © Kevin Krajick/Earth Institute

Fonte record de la calotte du Groenland en 2019

29 avril 2020
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

L’année 2019 aura été l’une des pires années jamais enregistrées pour la calotte glaciaire du Groenland. En une seule année, elle a perdu des centaines de milliards de tonnes de glace. Un triste record qui n’est pas uniquement dû à la hausse des températures, mais aussi aux conditions anticycloniques qui ont prévalu sur le Groenland pendant l’été 2019. La persistance estivale de hautes pressions n’étant pas prise en compte par les modèles climatiques, le taux de fonte à venir pourrait en réalité être multiplié par deux.

La faute aux hautes pressions

Jamais, depuis le début de l’enregistrement en 1948, le Groenland n’avait perdu autant de masse de glace. Certes, il a fait chaud, mais moins qu’en 2012. Alors, comment expliquer ce phénomène ?

Une équipe scientifique, à laquelle a participé le Dr Xavier Fettweis, chercheur qualifié FNRS au Laboratoire de Climatologie au sein de l’Unité de recherches SPHERES de l’ULiège, s’est chargée de répondre à cette question.

Pour se faire, les chercheurs ont eu recours à des données satellitaires, des mesures au sol et des modèles climatiques tels que le modèle du climat MAR développé à l’ULiège.

Ils ont découvert que la perte record de glace en 2019 était liée aux conditions de haute pression, aussi appelées anticyclones, qui ont prévalu sur le Groenland pendant quasi tout l’été 2019.

Les conditions de haute pression ont empêché la formation de nuages dans la partie sud du Groenland. Le ciel clair qui en a résulté a laissé entrer plus de rayonnement solaire, lequel a fait fondre la surface de la calotte glaciaire. Sans nuage, la région a compté environ 50 milliards de tonnes d’accumulation neigeuse en moins que les autres années. Ce manque de neige a également laissé de la glace noire et nue, absorbant plus de chaleur et aggravant davantage la fonte en surface.

Des anticyclones de plus en plus fréquents

« Ces conditions atmosphériques sont de plus en plus fréquentes ces dernières décennies », explique le Dr Marco Tedesco, chercheur à Université de Columbia et membre de l’équipe internationale. « Il est très probable que ces anticyclones soient dus à l’ondulation du jet stream, laquelle est liée, entre autres, à la disparition de la couverture neigeuse en Sibérie, à la disparition de la glace de mer, et à la différence de vitesse à laquelle la température augmente dans l’Arctique par rapport aux latitudes moyennes. »

En d’autres termes, au Groenland, le changement climatique pourrait rendre ces conditions atmosphériques délétères plus courantes .

La calotte glaciaire a perdu 600 milliards de tonnes de glace en 2019

«  De plus, la calotte glaciaire perd des centaines de milliards de tonnes lorsque les icebergs se détachent dans l’océan », explique Xavier Fettweis. «Si les conditions étaient stables, les gains en matière de bilan massique de surface seraient suffisamment élevés pour compenser la glace perdue lorsque les icebergs se détachent. Mais, dans les conditions actuelles, le vêlage dépasse de loin les gains du bilan de masse en surface. Tant est que dans l’ensemble, on estime que la calotte glaciaire a perdu 600 milliards de tonnes en 2019, ce qui représente une élévation du niveau de la mer d’environ 1,5 millimètre. »

Anomalies de l’été 2019 en nombre de jours de fonte (a), chutes de neige (b), albédo (c), nébulosité (d), et température à deux mètres au-dessus de la glace (e) © Tedesco et Fettweis, 2019.

Les simulations informatiques sous-estiment la fonte

Les modèles actuels du climat mondial ne sont pas en mesure de saisir ces effets du jet stream. En conséquence, les simulations des impacts futurs sous-estiment très probablement la perte de masse due au changement climatique. « C’est presque comme s’il manquait la moitié de la fonte additionnelle due à la hausse des températures »,  déplore Marco Tedesco.

La calotte glaciaire du Groenland contient suffisamment d’eau gelée pour faire monter le niveau de la mer jusqu’à 7 mètres. Comprendre les mécanismes qui génèrent ces changements de la circulation atmosphérique sera crucial pour améliorer les projections sur la quantité d’eau qui s’accumulera dans les océans à l’avenir.

« Cette fonte est un signal d’alarme qui nous indique qu’il est urgent de changer notre mode de vie pour freiner le réchauffement climatique, car il est probable que les projections du GIEC soient un peu trop optimistes pour l’Arctique », conclut Xavier Fettweis.

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