Après la chirurgie, la chimiothérapie, l’immunothérapie et la radiothérapie, voici une nouvelle arme pour lutter contre le cancer: la radiothéranostique. Le service de médecine nucléaire de l’Institut Jules Bordet en a fait une de ses priorités, comme en témoigne son « Centre d’excellence en radiothéranostique», dont « l’ouverture académique » vient tout juste d’avoir lieu, à Anderlecht.
La radiothéranostique? « Il s’agit d’une nouvelle forme de thérapie médicamenteuse ciblée contre le cancer », explique le Pr Patrick Flamen, chef du service de médecine nucléaire de l’Institut Bordet. « On utilise des petites molécules, des peptides ou des anticorps spécifiques de la tumeur à laquelle on veut s’attaquer et on greffe sur ces sortes de transporteurs spécialisés un isotope radioactif. Ce composé est ensuite injecté au patient. Il va se lier aux cellules cancéreuses visées où l’isotope va entrer en action. C’est une forme de médecine personnalisée. »
Un outil diagnostique et thérapeutique
Voilà pour le mécanisme de base. La radiothéranostique, un nom formé au départ des mots radionucléide, thérapie et diagnostic, permet tout d’abord d’identifier les organes et les régions du corps où un cancer ou des métastases se développent.
Dans ce cas, les composés radioactifs de courte durée de vie sont injectés aux patients qui passent ensuite dans l’une ou l’autre machine d’imagerie. Les cellules cancéreuses sont rendues visibles par les machines et les images obtenues peuvent être manipulées sur ordinateur afin d’évaluer la situation. Cela permet aussi de vérifier, avant d’administrer d’autres cocktails radioactifs en vue de détruire ces cellules cancéreuses, que celles-ci possèdent bien les récepteurs spécifiques de la thérapie.
« Pour le diagnostic, ce genre d’examen ne nécessite pas de garder le patient à l’hôpital. Une fois l’examen réalisé, il peut rentrer à domicile », indique la Dre Géraldine Gehbart, chef de clinique de médecine nucléaire. Par contre, lors de traitements, nous utilisons d’autres radio-isotopes, à la durée de vie plus longue. Le patient doit alors rester à l’hôpital avant de pouvoir rentrer chez lui », précise la spécialiste.
Trois familles de radio-isotopes
Cinq chambres blindées contre les radiations ont été prévues pour ce genre de patients dans les nouveaux bâtiments de l’Institut Bordet. Leurs douches et toilettes sont reliées à six grandes cuves qui recueillent les déchets radioactifs. Les molécules chargées utilisées pour cette thérapie s’éliminant, notamment, par les voies naturelles.
Typiquement, trois familles de radio-isotopes sont utilisés dans le cadre des interventions radiothéranostiques. Le gallium 68 procure les isotopes pour le diagnostic. Il a une durée de demi-vie radioactive d’un peu plus d’une heure et est produit sur place grâce au dispositif mis au point par l’Institut des radioéléments de Fleurus (IRE-Elit). « Pour les traitements, nous utilisons l’yttrium 90 ou le lutétium 177, qui présente une demi-vie de l’ordre de 6 jours », précise la Pre Zéna Wimana, Docteure en sciences biomédicales, spécialisée en radiothéranostique.
Des espoirs dans la lutte contre le cancer du pancréas et du cerveau
Avec cette nouvelle orientation radiothéranostique, la médecine s’ouvre une nouvelle voie dans la lutte contre le cancer. Toutefois, il ne s’agit pas d’un traitement de base. « Ces traitements ne s’adressent pour l’instant qu’à certains types de patients », explique la Dre Gehbart. « Nous traitons de cette manière des tumeurs neuro-endocrines et de la prostate. Surtout chez des patients très résistants aux traitements standards et présentant des métastases non opérables. Le but est de prolonger leur vie, mais aussi de leur assurer une bonne qualité de vie. »
Parallèlement aux traitements, les scientifiques de l’Institut Bordet sont actifs dans la recherche en radiothéranostique. Certaines des nouvelles machines d’imagerie installées à Anderlecht sont d’ailleurs entièrement réservées à cette fin.
« La théranostique pourrait amplifier les effets de l’immunothérapie, permettre de mieux soigner les cancers du cerveau ou du pancréas », pointe le Pr Flamen. Avec les équipements de dernière génération dont dispose désormais son équipe, les progrès que laisse entrevoir cette thérapie systémique du cancer ne devraient pas se faire attendre.