Le « Fonds National de la Recherche scientifique » fête ses 90 ans. « Malgré ce bel âge, le F.R.S.-FNRS est une structure toujours parfaitement adaptée aux enjeux actuels de la recherche ». Le Pr Yvon Englert, recteur de l’Université Libre de Bruxelles et Président du F.R.S-FNRS, est catégorique. « Le FNRS a su s’adapter aux évolutions de la recherche. Il s’est ouvert toujours davantage à l’international. Il fait le lien entre la science et la société. Il est et reste un outil indispensable à la production de nouveaux savoirs fondamentaux, à l’accumulation de connaissances, à l’innovation conceptuelle ».
91 ans après le discours d’Albert 1er à Seraing
Mardi matin, lors de la cérémonie officielle du 90e anniversaire du FNRS (qui a été scindé en un F.R.S.-FNRS francophone et un FWO flamand en 1992), le Roi Philippe n’a pas dit autre chose.
« Dans son discours de Seraing en 1927, mon arrière-grand-père le Roi Albert avait rappelé son ambition de contribuer à l’essor industriel et commercial de la Belgique. Il avait loué le savoir-faire, le sens averti de l’avenir et l’énergie des Belges. Il avait, devant un public d’industriels, lancé un appel vibrant pour encourager les chercheurs et soutenir la science, véritable moteur du progrès. Ce message mobilisateur a clairement porté ses fruits », a indiqué le Roi dans son allocution, prononcée lors de la séance académique organisée à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth (Waterloo).
« La recherche fondamentale constitue l’âme de la science et du progrès »
Le constat du Roi Philippe est limpide. « Continuer à investir dans la recherche est aujourd’hui plus nécessaire encore qu’il y a cent ans », dit-il. « L’ampleur des défis à relever nous oblige à prendre distance des raisonnements utilitaires et de l’air du temps. Ce n’est pas en premier lieu l’utilitaire ou le rendement qui doivent nous guider, mais c’est la valorisation de l’humain dans toutes ses dimensions. La recherche fondamentale constitue en ce sens l’âme de la science et du progrès ».
« C’est en promouvant la science qu’un pays assure son avenir. Nous devons tous soutenir nos chercheurs en valorisant la quête de vérité scientifique, trop souvent discréditée, et en stimulant la recherche fondamentale comme cœur de toute recherche. Nous devons également continuer à encourager tous nos enseignants qui transmettent non seulement le savoir mais aussi leur passion et qui suscitent ainsi de nouvelles vocations scientifiques ».
« A une époque marquée par l’impatience, l’immédiateté et le gain facile, il est primordial de se ménager du temps et de l’espace pour la créativité. C’est ce que font le FNRS et le FWO », a encore estimé le Roi dans son discours.
Faire fi de l’immédiateté
Le ministre Jean-Claude Marcourt (PS), Vice-Président du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le rejoint clairement sur ce point.
« Le F.R.S.-FNRS est incontestablement une institution unique, une institution où le rapport au temps s’inscrit dans la longévité, une institution où il doit être fait fi de l’immédiateté et de la culture du court terme ».
« Les sociétés modernes ont des besoins croissants de chercheurs, d’ingénieurs et de techniciens, mais elles ont aussi impérativement besoin de citoyens formés à l’esprit et aux méthodes de la science. Il faut donner à la science et à la recherche une place dans la culture générale », dit encore le Ministre Marcourt.
Un budget annuel de 180 millions d’euros
Ce qui a bien entendu un coût. Et ici revient la lancinante question du financement de la recherche fondamentale. Le budget annuel du F.R.S-FNRS (francophone) est aujourd’hui de l’ordre de 180 millions d’euros (contre 350 millions d’euros du côté du FWO, son pendant flamand).
« A une époque où les travaux de recherche sont devenus de plus en plus coûteux, notamment avec le développement d’une instrumentation toujours plus complexe, il nous appartient, pour préparer l’avenir, de consentir les efforts budgétaires indispensables au maintien du rang de nos chercheurs sur le plan international. Le premier refinancement de 8 millions d’euros du F.R.S.-FNRS cette année n’est qu’un premier pas dans la bonne direction et doit être amplifié », a rappelé Jean-Claude Marcourt.
Moins d’un chercheur « excellent » sur deux est financé en FWB
Davantage d’argent mais pour quels objectifs? Le Pr Véronique Halloin, Secrétaire générale du F.R.S.-FNRS, n’en fait pas mystère.
« Nous sommes une institution qui fonctionne au départ du terrain, des demandes des chercheurs. Nous faisons du bottom-up », rappelle le Pr Véronique Halloin. « Et cette demande, jugée uniquement sur son excellence par des comités scientifiques, n’est pas assez rencontrée. Aujourd’hui, sur l’ensemble des dossiers de financement que nous recevons, nous ne disposons de moyens suffisants que pour soutenir 20 % de nos chercheurs, alors que 50 % d’entre eux sont classés comme excellents par nos commissions scientifiques ».
« Et il en va de même pour les programmes de recherche bilatéraux. Prenons l’exemple du Québec, avec lequel nous avons un accord de collaboration. Lors du premier appel à projet de recherche, nous en avons reçu une cinquantaine de grande valeur. Seuls quatre ont pu être financés ». On notera que le Pr Rémi Quirion, Scientifique en chef du Québec, était présent mardi à Waterloo, pour cette cérémonie des 90 ans du FNRS.
Offrir de nouvelles perspectives de carrières aux chercheurs
Autre explication à ces besoins croissants de moyens: l’avènement de la recherche qui se fait toujours plus en réseaux.
« Ce qui ouvre davantage de possibilités pour nos chercheurs. Ici aussi, il faut de nouveaux moyens financiers », estime Madame Halloin. On notera aussi que cela va de pair avec des demandes croissantes de crédits de fonctionnements et de matériel.
Enfin, plus de moyens pour le F.R.S.-FNRS laissent aussi entrevoir de nouvelles perspectives de carrières académiques pour les chercheurs. Actuellement, moins de 10% des docteurs formés dans nos universités connaîtront une réelle carrière académique.
Une recherche basée sur l’excellence
Si ces considérations liées à la Recherche sont plutôt internes à la Belgique, le recteur de l’Université Libre de Bruxelles et Président du F.R.S-FNRS, le Pr Yvon Englert, profite également de cet anniversaire pour évoquer des problèmes qui débordent largement des frontières du pays.
L’ouverture à l’international n’est pas un vague concept pour le F.R.S.-FNRS. Des accords bilatéraux sont signés avec des pays étrangers, parfois proches et européens, parfois lointains, comme le Canada et le Brésil par exemple.
« Nous nous inscrivons de plus en plus dans une recherche mondiale », souligne le Pr Yvon Englert. « Avec des liens tout particuliers en ce qui concerne la recherche européenne, qui est notre premier jardin », dit-il.
« Le Conseil Européen de la recherche (ERC), qui finance la recherche fondamentale en Europe, est dans ce cadre un outil extraordinaire. Un outil qui, comme le FNRS, soumet ses financements à une compétitivité dont le maître mot est l’excellence, et uniquement l’excellence.
Le Brexit risque d’affaiblir toute l’Europe de la Recherche
Le président Englert nourrit actuellement une crainte: celle de voir se déliter nos rapports avec les universités anglaises à cause du Brexit.
« Il faut se souvenir que le Royaume-Uni est le berceau mondial de la recherche d’excellence », indique le Président du F.R.S.-FNRS. « Et que ce pays est un bénéficiaire net des financements européens en matière de recherche. Avec le Brexit, si cette force de recherche britannique venait à s’affaiblir, ce serait une catastrophe pour la science européenne dans son ensemble ».
« Il est essentiel qu’un mécanisme d’adaptation qui permet aux chercheurs britanniques de participer aux programmes européens soit mis en place d’urgence. C’est absolument crucial pour les collaborations entre nos universités et celles du Royaume-Uni pour les dix années à venir »…