L’usine qui sort de terre à Louvain-la-Neuve, sur le site de la société IBA, n’est pas exactement comme les autres bâtiments de cette entreprise spécialisée dans le développement et la vente de systèmes de protonthérapie. C’est une usine high-tech (on n’en attend pas moins d’une entreprise qui fabrique à la chaîne des accélérateurs de particules), mais c’est aussi une usine « pour les générations futures », comme aime le souligner l’ingénieur Thomas Canon, en charge de ce projet chez IBA.
« Ce qui caractérise cette nouvelle usine, ce sont ses dimensions », souligne Olivier Legrain, le patron de l’entreprise. « On pourrait y faire tenir un avion de ligne ». Cela donne une idée des ambitions de l’entreprise en matière de production de systèmes de protonthérapie.
Tripler la production d’accélérateurs
« Actuellement, nous avons une capacité de production de quelque 8 à 10 accélérateurs par an (l’accélérateur de particules est le cœur d’un système de protonthérapie). Notre nouvelle usine nous permettra d’en produire jusqu’à une trentaine chaque année ».
De quoi répondre à la demande pour ce type de système de traitement du cancer. « À ce jour, 1 % des patients cancéreux traités par radiothérapie bénéficie d’un traitement par protonthérapie. À l’avenir, ce chiffre pourrait monter à plus de 20 %», estime le patron d’IBA.
La protonthérapie est considérée comme la forme de radiothérapie la plus avancée dans la lutte contre le cancer. Le mode de dosage unique qu’offre la protonthérapie permet de cibler la tumeur de façon plus efficace, tout en réduisant les effets secondaires. Les protons déposent l’essentiel de leur énergie dans une zone contrôlée, en limitant l’impact sur les tissus sains environnant la tumeur.
IBA, un des leaders mondiaux dans le domaine, devait donc grandir. Les travaux sont en cours. Le nouveau complexe immobilier appelé « New Logistics and Manufacturing Headquarters » combinera halls d’assemblages, bureaux, salle de réunions et d’accueil des clients, entrepôt…
Un béton innovant, développé avec le Centre Scientifique et Technique de la Construction
Il comprendra aussi une zone de tests et de contrôle de qualité des équipements produits. Et c’est ici que la principale innovation technologique liée au bâtiment entre en piste.
« En concevant la casemate où les machines seront testées, nous avons pensé aux générations futures », reprend Thomas Canon, qui pilote ce projet de nouvelle usine. Les accélérateurs de particules produisent des radiations quand ils fonctionnent. Pour s’en protéger, les zones de test sont « blindées ». Au cyclotron de l’Université Catholique de Louvain (UCL) voisin du site d’IBA, l’accélérateur est confiné dans une pièce munie de murs de béton de trois mètres d’épaisseur.
Dans la nouvelle usine d’IBA, ces murs seront surtout dotés d’un revêtement intérieur innovant de 30 cm d’épaisseur mis au point pour IBA par le Centre Scientifique et Technique de la Construction (CSTC).
Eviter de générer des déchets de construction radioactifs
« Lors des tests des accélérateurs de particules, les radiations ionisent petit à petit le béton », explique Thomas Canon. « Avec le temps, il devient radioactif. Nous avons donc pensé aux générations futures, celles qui dans 50 ou 100 ans devront sans doute démanteler l’usine que nous construisons actuellement. Notre souci était de leur léguer un bâtiment non radioactif. C’est donc sur cet aspect des choses que nous avons travaillé avec le CSTC. Le résultat? Grâce à la mise au point de nouveaux matériaux, les radiations générées lors des tests ne pollueront pas les murs de blindage ».
Un tour de passe-passe technologique rendu possible par le projet « Lower Activation Concrete ». Un projet qui a débouché sur la mise au point d’un béton blanc, riche en roches calcaires très pur.
Cet aspect du projet de nouvelle usine « durable » n’est qu’un des exemples des solutions envisagées par IBA pour son nouveau site de production en Brabant Wallon. Il y en a d’autres (toiture verte, récupération de la chaleur générée lors des tests, etc.). Mais les bunkers dotés du nouveau béton « antiradiation (pour lequel des brevets ont été pris, constituent aussi une belle vitrine pour l’innovation développée par le CSTC et un formidable outil marketing pour IBA.
« Nous informons nos clients sur ce béton innovant qui n’accumule pas la radioactivité. Une solution qui pourrait les intéresser. Quand leur système de protonthérapie entrera en service, leurs bâtiments seront confrontés à terme au même problème d’ionisation du béton. Autant qu’ils prennent eux aussi en compte cette dimension environnementale dans leurs projets ».