En matière de transports en commun, certains quartiers bruxellois sont mieux lotis que d’autres. Comment améliorer cette situation? Cette question est au centre de la recherche du géographe Kevin Lebrun. Sa recherche est intitulée “accessibilité des différents quartiers bruxellois en transports en commun”. Elle est financée par Innoviris et est menée à l’Université Saint-Louis et couplée à un doctorat réalisé à l’ULB (IGEAT).
Penser la ville du futur
“La notion d’accessibilité est souvent restreinte à la question des personnes à mobilité réduite”, avance Kevin Lebrun. Sa définition est plus large: “L’accessibilité, caractérise en réalité la facilité plus ou moins grand que nous avons à rejoindre un lieu”.
Cette acceptation permet d’interroger la performance des transports, la concurrence face à la voiture ou encore l’aménagement du territoire et donc de penser la ville du futur”. En effet, si on veut densifier un quartier, faut-il d’abord construire des logements ou renforcer l’offre de transports?
4, 4 millions de déplacements par jour
Avant de s’attaquer au futur, il convient de bien comprendre le présent. Cela passe par une petite mise en contexte. A Bruxelles, lors d’un jour ouvrable, on compte 4,4 millions de déplacements, dont deux tiers se déroulent à l’intérieur de la Région. Et dans ces déplacements, la voiture tient toujours une place prépondérante… D’où l’importance de développer encore les transports publics.
Pour appréhender l’accessibilité actuelle des différents quartiers bruxellois, Kevin Lebrun a choisi la plus petite échelle disponible: celle des secteurs statistiques.
“C’est le découpage le plus fin pour lequel on dispose de données socio-économiques”, explique le chercheur. On le sait, de grandes différences existent au sein d’une même commune en termes d’offre de transports et de critères socio-économiques. Ce découpage en secteurs permet de mieux appréhender ces facteurs. La Région de Bruxelles compte 724 secteurs statistiques.
Kevin Lebrun a voulu calculer le temps nécessaire aux habitants de chacune de ces zones pour rejoindre les 723 autres zones. Le calcul a été réalisé sur base des horaires de la STIB et de l’heure de pointe du matin. “J’ai calculé que le départ devait se faire entre 8 et 9 heures du matin et que l’arrivée devait se faire à 10 heures du matin maximum”, précise le géographe.
Le calcul inclut le temps de marche nécessaire pour relier l’arrêt de bus, tram ou métro aux points de départ et d’arrivée ainsi que le temps d’attente dans le cas où il y a une ou plusieurs correspondances.
Un modèle concentrique
Le tout donne l’accessibilité moyenne pour chacune des 724 zones. “Le modèle bruxellois est assez concentrique: il y a de très bonnes valeurs dans le Pentagone, le quartier européen mais aussi à Mérode ou à Simonis. Le modèle concentrique n’est cependant pas parfait puisque la STIB a mis en place un modèle très radial: les transports sont majoritairement pensés pour relier le centre à la périphérie et inversément”, observe Kevin Lebrun.
“Quand on ajoute le réseau de la SNCB, du TEC et de De Lijn, l’offre s’améliore mais le schéma se confirme. La SCNB est ainsi très concentrée sur l’axe nord-midi”, poursuit Kevin Lebrun.
Toutefois, lorsqu’on retire la STIB de l’équation, on observe mieux l’intérêt des autres opérateurs et on voit la contribution importante de ces opérateurs alternatifs pour des quartiers tels qu’Uccle, Haren ou Evere. De manière générale, on voit que la centralité est un facteur fort pour expliquer la bonne accessibilité. “Cela s’explique par la distance moyenne qui sépare une zone des autres. Logiquement, le centre est plus proche des autres zones”, précise le chercheur.
Renforcer le réseau en surface
Le géographe a calculé que la distance explique 72% de la variabilité horaire. Malheureusement, personne ne dispose d’une emprise sur ce critère: il est impossible de déplacer les quartiers!
Quid des 28% restants? Kevin Lebrun montre qu’il y a des secteurs qui sont sur ou sous-accessibles, compte tenu de la distance moyenne aux autres secteurs. Autrement dit, certains quartiers plus éloignés du centre sont plus accessibles que d’autres plus proches. Paradoxal? Non, les quartiers situés aux abords des lignes de métro sont mieux desservis que d’autres coins – d’Ixelles ou de Saint-Gilles par exemple – pourtant plus proches du centre.
Les différences d’accessibilité, lorsqu’on met de côté l’effet de la centralité, seraient donc dues à la structure du réseau. Si le réseau souterrain est performant, le réseau en surface, lui, doit être renforcé. En sites propres, le réseau de surface peut concurrencer le métro puisque le temps nécessaire pour rejoindre l’arrêt est généralement moindre pour le premier que pour le second (pour lequel il faut descendre des volées d’escaliers).
Pas d’exclusion sociale
Le chercheur a aussi voulu savoir si l’accessibilité était influencée par les inégalités sociales. Son étude montre que globalement il n’y a pas d’exclusion à ce niveau-là. Les personnes les plus pauvres habitent en effet majoritairement dans le centre; là où l’accessibilité en transports est élevée. “Il y a toutefois quelques cas particuliers. A Uccle notamment; où il y a des logements sociaux. Là, les gens cumulent pauvreté et problèmes d’accessibilité”, note-t-il.
Après l’état des lieux, Kevin Lebrun va s’attaquer à une partie plus prospective de sa recherche: la formulation de propositions basées sur ses premières analyses mais aussi sur diverses expériences menées à l’étranger. Rendez-vous en 2018 pour les découvrir.