C’était en 2016. Après des années de recherche sur une bactérie présente naturellement dans nos intestins (Akkermansia muciniphila), le professeur Patrice Cani (UCL) annonçait avoir découvert deux effets bénéfiques générés par ce microorganisme sur notre santé.
La présence de cette bactérie en quantité suffisante dans notre système digestif permettait de lutter contre les désordres métaboliques liés à l’obésité. Et pasteurisée, cette même bactérie voyait même son efficacité augmentée. Mieux encore, l’équipe avait aussi isolé une protéine de surface de ce même microorganisme, qui à elle seule semblait bien avoir le même effet…
C’était là une étape importante des recherches menées par ce Maître de recherches du F.R.S.-FNRS au Louvain Drug Research Institute, de l’Université Catholique de Louvain, et de son équipe.
Une bactérie sûre et bien tolérée
Des recherches qui avaient débuté en 2004, suite à la découverte de la bactérie Akkermansia muciniphila par un scientifique néerlandais, le Pr de Vos, de l’Université de Wageningen.
Les deux scientifiques et leurs équipes universitaires respectives et complémentaires ont donc prouvé que l’administration quotidienne de A. muciniphila vivante est capable de prévenir le développement de troubles métaboliques et de maladies inflammatoires. Une démonstration réalisée chez des souris, nourries avec un régime riche en graisse.
La bactérie en question a depuis été testée chez des volontaires humains. Une première étude exploratoire chez l’homme a ainsi été réalisée aux Cliniques Universitaires Saint-Luc (UCL) entre 2015 et février 2018.
Les résultats intermédiaires confirment que la bactérie est sûre et bien tolérée. Comme les sujets ayant un risque cardiométabolique accru (résistance à l’insuline, hyperglycémie, cholestérol sanguin élevé et accumulation de graisse viscérale) sont caractérisés par une plus faible présence de A. muciniphila dans l’intestin, ce supplément pourrait être essentiel pour maintenir l’état de santé général et l’immunité, une glycémie normale, un taux de cholestérol sanguin normal, et éviter une prise de poids excessive.
Création de la spin-off « A-Mansia Biotech »
Ces constatations ont donc mené les deux universités impliquées dans ces découvertes à lancer ensemble une spin-off, une société destinée à commercialiser les résultats de ces recherches. C’est chose faite depuis la semaine dernière. « A-Mansia Biotech s.a. » a pour ambition de commercialiser de nouveaux produits alimentaires pour lutter contre les désordres métaboliques liés à l’obésité.
« Il s’agit effectivement d’une spin-off commune à l’UCL et à l’Université de Wageningen, aux Pays-Bas », confirme le Pr Cani. « Un spin-off qui a déjà réussi à récolter quelque 13 millions d’euros d’investisseurs intéressés par nos découvertes et leur valorisation ».
En Belgique, l’équipe de Patrice Cani songeait déjà depuis un moment à la création d’une société pour valoriser ces bons résultats de recherche fondamentale. L’équipe universitaire avait bénéficié d’un financement de quelque 450.000 euros de la Région wallonne via son programme « First spin-off » pour progresser dans cette voie.
Quand il a commencé à travailler sur la bactérie Akkermansia muciniphila, le Pr Cani ne pensait pas que ses recherches allaient déboucher sur la création d’une spin-off. Découvrez ici comment ce passage vers la valorisation de ses découvertes s’est déroulé.
Un complément alimentaire sur le marché en 2021
Le but de la nouvelle spin-off universitaire belgo-néerlandaise? Mettre sur le marché, dès 2021, un premier complément nutritionnel accessible au grand public.
Dirigée par Jean-Christophe Malrieu (CEO), la nouvelle société devrait permettre la création de 15 emplois directs d’ici 2020. « Elle sera située en Région wallonne », indique-t-on à l’UCL. « La R&D de la co-spin-off se fera en partie dans les laboratoires de l’UCL et de la Wageningen University ».
« Avec cette spin-off, nous avons une opportunité unique pour enfin rendre accessible à tous une découverte scientifique réalisée dans les laboratoires de recherche fondamentale de l’UCL», insiste le Pr Cani. Dans un premier temps, la nouvelle société se concentrera sur un complément alimentaire, pour lequel les demandes de mise sur le marché européen devront être formulées à l’EFSA (Agence de sécurité alimentaire européenne). D’autres développements potentiels sont également explorés. Il s’agit cette fois d’utiliser une protéine de surface de la fameuse bactérie identifiée à l’UCL. On ne parle alors plus de complément alimentaire, mais bien de médicament.