Un avion de ligne qui transporte un avion spatial, qui lui même transporte un lanceur de satellites… Voilà le concept de base du système d’accès à l’espace à trois “étages” proposé par l’entreprise Swiss Space Systems (S3).
Il s’agit d’un nouveau type de lanceur spatial gigogne destiné à placer des petites charges utiles (250 kilos) en orbite autour de la Terre (entre 600 à 800 km d’altitude). Quand il ne transporte pas de satellite, l’avion spatial, baptisé SOAR, pourra emmener des touristes de l’espace à une centaine de kilomètres d’altitude pour quelques minutes de microgravité.
Deux étages testés à l’Institut von Karman
Un beau rêve « suisse » ? Si le projet est bien piloté par l’entreprise Swiss Space Systems, pour les chercheurs et les ingénieurs de l’Institut von Karman (VKI), en Belgique, SOAR est déjà une réalité quotidienne.
“Nous testons dans nos souffleries diverses maquettes des deux premiers étages du système S3”, confirme le Dr Jean Muylaert, directeur du VKI. L’avion porteur sera sans doute un Airbus A-300. “L’avion spatial, élaboré en collaboration avec la firme française Dassault, s’inspire du projet jadis abandonné de navette spatiale européenne Hermes de l’ESA, l’Agence spatiale européenne”.
Le troisième étage du système spatial devrait être propulsé par une sorte de mini-fusée éjectée de la soute de l’avion spatial une fois celui-ci à pied d’oeuvre, à 100 km d’altitude. Il utilisera, tout comme le SOAR, un moteur fusée russe.
Le but de la manoeuvre est économique. Malgré la complexité du système S3, les coûts de mise en orbite des charges utiles devraient être moindres qu’avec un lanceur spatial classique. Notamment grâce à la récupération des deux premiers étages.
Pour les entreprises belges impliquées dans le projet, et soutenues par la Politique scientifique fédérale, ce projet est source de nouvelles recherches.
“La séparation de l’Airbus et du SOAR aura lieu à 10 km d’altitude à Mach 0.85”, explique le Dr Tamas Regert, ingénieur de recherche au VKI. “Le SOAR atteindra les 100 km d’altitude à Mach 10. C’est à cette hauteur, que la troisième partie de S3 sera libérée mettant en orbite des nanosatellites. Ce type de véhicules et leurs interactions nécessitent des études précisent en matière d’aérodynamisme. Notamment en ce qui concerne l’influence du sillage de la navette sur l’efficacité des gouvernes de l’Airbus”.
Tests en soufflerie des deux premiers étages du S3 à l’Institut von Karman
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Le VKI est impliqué dans le design et la définition des processus de séparation de l’Airbus et du véhicule spatial, le contrôle du SOAR à haute altitude et la caractérisation du système de protection thermique. L’expertise du VKI est également requise pour la définition des systèmes de propulsion.
“Ces projets de recherche sont financés à 50% par l’industriel suisse S3 et à 50% par la Belgique via la Politique Scientifique fédérale”, souligne Jean Muylaert. Outre l’Institut von Karman, d’autres partenaires belges sont impliqués: la Sonaca à Gosselies, Space Applications Services (SAS) et QinetiQ Space.
L’Institut von Karman travaille également sur les premiers vols de qualification de l’étage supérieur du S3. Lequel devrait permettre de lancer en orbite une cinquantaine de micro-satellites scientifiques : les “cubesats”.
Le premier décollage “spatial” de S3 est prévu pour 2018. “C’est un timing très serré”, note encore Jean Muylaert. “Mais c’est un projet industriel. Cela avance donc très vite”.
Rendez-vous au “spaceport”
Pour assurer les services spatiaux envisagés par l’entreprise S3, plusieurs lieux d’embarquements, des “spaceports”, sont à l’étude. On parle du centre spatial Kennedy en Floride et du Colorado, de Kuala Lumpur en Malaisie et bien sûr de Payerne, en Suisse. Le véritable Spaceport opérationnel européen devrait pour sa part se situer aux îles Canaries (Espagne).
Outre le tourisme spatial et la satellisation de petits engins, S3 pourrait aussi proposer du “transport rapide de personnes, d’un point à un autre de la planète, en passant par l’espace. De quoi mettre les continents les plus lointains à quelques dizaines de minutes de vol des lieux d’embarquement.
Dans l’immédiat toutefois, l’entreprise suisse compte d’abord proposer à ses clients des vols paraboliques plus classiques, notamment au départ des Canaries. L’Airbus A-300 est déjà utilisé pour ce type d’expériences en microgravité.
Note: cet article a été édité le 6 juin. Le nom du partenaire belge QinetiQ Space a été ajouté à la fin de l’article principal.