À la découverte de l’écriture chinoise

30 septembre 2015
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes

Depuis des millénaires, les Chinois sont fascinés par leur écriture tracée à la pointe du pinceau. L’apprentissage des caractères est une dure discipline, du corps et de l’esprit. «Un formatage qui se poursuit en parallèle avec l’incorporation des rites et des préceptes moraux du confucianisme et se confond partiellement avec eux», explique Françoise Lauwaert.
 

«Puissance et pouvoir de l’écriture chinoise» par Françoise Lauwaert.  Collection L’Académie en poche. VP 5 euros, VN 3,99 euros.
«Puissance et pouvoir de l’écriture chinoise» par Françoise Lauwaert. Collection L’Académie en poche. VP 5 euros, VN 3,99 euros.

La docteure ès lettres de l’Université Paris VII, professeure à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), décrypte cette technique, ou cet art, dans «Puissance et pouvoir de l’écriture chinoise», de la collection L’Académie en poche.
 
«Il s’agit d’une synthèse brillante et subtile qui inspirera des générations d’étudiants et chercheurs dans les décennies à venir», estime l’académicien Baudouin Decharneux dans la préface de l’essai abondamment illustré.
 
«L’aspect le plus attachant de cet ouvrage est la façon dont l’auteure s’est mise à l’écoute des savants chinois, lorsqu’ils s’attachèrent à la compréhension de leur propre tradition scripturale
 
«Pour moi et pour tous les collègues dont je me sens proche, l’envie d’apprendre le chinois est née d’une découverte émerveillée de son écriture», raconte l’éternelle étudiante et pratiquante de l’écriture chinoise, chercheuse au Laboratoire d’anthropologie des mondes contemporains de l’ULB .
 
«Celle-ci n’apparaissant pas comme une forme particulièrement complexe et biscornue de notation d’une langue parlée qu’il s’agirait de maîtriser au plus vite. Mais comme la promesse de l’entrée dans un monde. Un monde ou, soyons ambitieux, une galaxie: la galaxie de l’écriture chinoise
 
Des caractères faits simplement pour être vus
 
En Chine, l’écriture est présente aussi bien dans des livres que sur des rouleaux de soie ou de papier. Elle figure sur des frontons de temples. Elle est gravée sur des ossements, des carapaces divinatoires de tortue. Sur des stèles, des vases, des chaudrons, des instruments de musique… Dans le roc comme les inscriptions géantes au sommet du mont Taishan, la montagne sacrée du sud-est du pays.
 
«Et pourtant ces milliers de caractères ne sont pas toujours faits pour être lus… Ils peuvent être conçus comme des objets donnés simplement à voir, à des illettrés par exemple, ou aux habitants du monde des esprits. Ils peuvent être brûlés ou enterrés. Ils peuvent être écrits de manière à rendre leur lecture difficile, voire quasi impossible
 
Contrairement à ce qui se produit pour une écriture alphabétique ou syllabique, les débutants dans l’apprentissage du chinois peuvent reconnaître des caractères sans pour autant être capables de lire ou d’écrire un texte. Leur apprentissage nécessite de longues années. Leur mémorisation s’acquiert en grande partie en les écrivant.
 
Un exercice en voie de disparition avec l’usage des ordinateurs qui recourent au pinyin. Adopté en 1958, ce système de transcription alphabétique, utilisé dans le livre de Françoise Lauwaert, est pratiqué dans la presse, dans l’immense majorité des ouvrages.
 
«Une mutation dont les conséquences seront sans doute très lourdes pour la mémorisation active de la langue écrite», souligne la professeure-invitée au Collège Belgique.
 
La nouvelle génération malmène l’écrit
 
Aux débuts de notre ère, pour être reconnu comme un être humain accompli, un Chinois devait savoir lire et écrire. Être capable de rédiger en poésie et en prose. Mais aussi de calligraphier. Un geste qui exige une position particulière pour s’asseoir, tenir le pinceau.
 
Avant l’adoption de la ponctuation occidentale, la première lecture d’un texte se faisait le plus souvent à voix haute, psalmodiée ou récitée dans un mode quasi musical. Et le pinceau à la main afin de tracer dans la marge des petits cercles qui permettent d’opérer les découpages. Indispensables à la compréhension d’une langue dont la syntaxe consiste, en grande partie, dans l’ordre des mots.
 
Comme avec l’usage du pinyin, une autre mutation s’opère avec l’utilisation des claviers des ordinateurs, des téléphones intelligents. Elle avantage l’oralité, les jeux de mots. La nouvelle génération substitue un caractère homonyme à un autre. Recourt à des incrustations de chiffres et de lettres latines. Malmène la langue écrite au point de rendre ses créations verbales totalement inaccessibles pour les générations antérieures.

Haut depage