Une année à escargots ! Une météo à limaces ! Jamais il n’a autant plu qu’en cette année 2024. Du moins à Uccle, en région bruxelloise. Et depuis que l’Institut royal météorologique de Belgique effectue des relevés, c’est-à-dire depuis 1833. Car s’il a plu un peu partout sur le territoire belge, toutes les régions n’ont pas été logées à la même enseigne. Certaines ont vu davantage le ciel leur tomber sur la tête, et ce ne sont pas celles auxquelles on penserait de prime abord.
De la pluie à gogo …
En l’espace de 203 jours, soit un peu plus de la moitié de l’année (56%), il est tombé pas moins de 1146,2 mm de précipitations. « Le précédent record annuel de 2001, qui était de 1088,5 mm, a même été dépassé dès le 27 novembre 2024 », explique-t-on à l’IRM. Il est des records dont on préférerait se passer.
Par contre, un autre n’a pas été atteint. C’est celui du nombre de jours de pluie. En effet, malgré le fait qu’il ait plu plus d’un jour sur deux en 2024, ce fut bien pire en 1974. A cette époque, les précipitations sont tombées durant 266 jours ! Soit quasiment les trois-quarts de l’année (73%).
Mais au fait, quel est le nombre moyen de jours de pluie annuellement ? 190. Comme quoi, en cette année 2024, avec 203 jours, alors que d’aucuns ont l’impression d’avoir vécu des mois et des mois dans le gris, on n’était, en réalité, pas si éloigné de la moyenne.
« La somme record des précipitations à Uccle s’explique principalement par un grand nombre de jours (11 en 2024) avec de fortes précipitations, c’est-à-dire égales ou supérieures à 20 mm. Notamment en juillet, en août et en septembre. Nous avons également atteint un record absolu de quantité totale de précipitations tombées sur une période glissante de 365 jours, c’est-à-dire en dehors d’une année civile fixe. En effet, entre le 12 octobre 2023 et le 11 octobre 2024, un record de 1299,3 mm de précipitations a été enregistré à Uccle. »
… mais pas partout !
Mais tout cela, ce n’est vrai uniquement que pour la région bruxelloise. Cette année, « il est remarquable que la situation soit différente dans le reste du pays. »
Par rapport à la normale calculée sur la période 1991-2020, il y a même des endroits en Flandre occidentale qui ont été déficitaires en pluie. Par contre, à quelque 200 de kilomètres de là, le Brabant flamand et le Limbourg se sont fait copieusement arroser. A certains endroits, on a mesuré un pourcentage d’écart des précipitations locales en 2024 de 130 à 140 % par rapport à la valeur normale de 1991-2020. C’est le cas dans le sud du Limbourg, d’habitude relativement sec avec en moyenne 700 à 800 mm de pluie par an.
Les Hautes Fagnes et la région de Vresse-sur-Semois sont les régions habituellement les plus pluvieuses du pays, avec une moyenne comprise entre 1300 et 1400 mm de pluie par an. On aurait pu s’attendre à un raz-de-marée. Certes, il y a plu davantage que les autres années, mais le pourcentage d’écart des précipitations locales en 2024 a été somme toute raisonnable : de 110 à 120 % par rapport à la valeur normale de 1991-2020.
La Méditerranée en surchauffe
Deux situations météorologiques particulières pourraient expliquer cela, l’une survenue en hiver, l’autre en été. Au conditionnel, car il s’agit d’hypothèses. « Il faudrait des études poussées pour les confirmer », précise Fabian Debal, météorologiste principal à l’IRM.
L’été 2024 a été marqué par de nombreux retours d’Est. Ces perturbations, en provenance d’Europe centrale, ont attaqué notre pays par l’est. « L’air aspiré dans les perturbations venues de l’Europe centrale et de l’Europe méridionale a été pompé sur la mer Méditerranée, dont la température de surface a été très haute cet été. Cela a contribué à alimenter les masses d’air en humidité », explique-t-il. C’est cela qui a conduit, au sein de dépressions d’altitude, aux phénomènes de goutte froide (cut-off low dans le jargon) qui ont causé de terribles inondations en l’Europe centrale.
« De plus, cet air, avant d’arriver chez nous, a parcouru les surfaces continentales d’Europe centrale, lesquelles sont souvent très chaudes en été, conduisant à beaucoup d’instabilité, à des développements orageux. Si cet air pénètre dans notre pays par le Nord-Est, cela cause de fortes précipitations dans le Limbourg. » C’est la région en vert très foncé sur la carte, révélant un très fort excédent de précipitations. Il suffit que la dépression ne passe pas au-dessus de l’Ardenne pour que celle-ci soit épargnée : si le relief est un catalyseur de précipitations, il n’est pas tout.
Un hiver océanique
Quant à l’hiver 2023-2024, il a été en permanence sous influence océanique atlantique. Et a, de ce fait, été particulièrement pluvieux. « Le maintien d’un même type de configuration a poussé les précipitations à la hausse. L’océan Atlantique était chaud. De cette immense surface chaude s’est dégagée beaucoup de vapeur d’eau. Et, en l’absence d’un bel anticyclone sur la Belgique, ces masses d’air ont été très souvent amenées sur nos régions », analyse Fabian Debal.
Variabilité climatique naturelle ? Effet du changement climatique ? Certainement un peu des deux. « L’atmosphère a aussi ses excentricités. On peut parfois avoir une situation qui est de l’ordre de l’accident atmosphérique. Cela a pu causer des configurations favorables aux précipitations. De plus, à cause du changement climatique et de la hausse des températures des surfaces océaniques, la vapeur d’eau s’accumule dans l’atmosphère : cela amplifie le phénomène de variabilité climatique naturelle », conclut Fabian Debal.