Le Système solaire - libre de droit
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Mesurer l’Univers, une obsession qui traverse les époques

30 décembre 2025
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 5 minutes
“Explorer le ciel, les planètes et la Terre”, par Yaël Nazé. Editions Odile Jacob. VP 24,90 € VN 18,99 €

Il existe des explorateurs dont les noms sont gravés dans toutes les mémoires : Christophe Colomb, navigateur italien devenu célèbre pour avoir été le premier Occidental à poser le pied sur le continent américain. Ou encore Fernand de Magellan, explorateur portugais connu pour avoir accompli le premier tour du monde en bateau, au XVIe siècle.

Mais bien peu connaissent les astronomes de jadis partis en quête des meilleurs points d’observation du ciel, pour tenter de percer les mystères de l’Univers. C’est à leurs aventures que s’intéresse Yaël Nazé, astrophysicienne à l’Université de Liège, dans son ouvrage « Explorer le ciel, les planètes et la Terre », paru aux éditions Odile Jacob. Elle y raconte leurs périples souvent périlleux, leur détermination face aux éléments déchaînés, aux moustiques et aux microbes, les dangers affrontés sur mer et en terres alors peu connues, les méthodes utilisées pour mesurer les objets célestes avec les instruments de leur temps, les hypothèses scientifiques qu’ils ont testées — parfois au prix d’échecs cuisants, parfois couronnées de découvertes majeures.

De l’Antiquité à l’époque moderne, ce livre retrace les grandes avancées scientifiques qui ont permis de cartographier le ciel étoilé, d’établir la forme de la Terre et de la mesurer, d’estimer les distances entre les planètes du Système solaire ou encore d’explorer la courbure de l’espace-temps.

Mesurer le Système solaire

Cayenne, Le Cap, Sibérie, Saint-Domingue, Tahiti, île Maurice … La mesure de la distance entre le Soleil et la Terre, et les autres planètes du Système solaire, constitue une véritable épopée qui envoya des dizaines d’astronomes aux quatre coins du globe.

Pour réaliser cet exploit, ils ont utilisé des particularités des éclipses (disparitions temporaires d’un astre dans l’ombre ou la pénombre d’un autre) et des transits (passages d’une planète – ou autre objet céleste – de petite taille devant le disque d’une étoile beaucoup plus grande). Et les ont littéralement pourchassés durant des siècles, malgré les guerres, en cherchant à chaque fois à être dans une zone géographique idéale pour les observer lors de leur manifestation. Et en croisant les doigts pour que de vilains nuages ne viennent pas obscurcir le ciel au moment fatidique.

Malgré les coups du sort, cela a fini par payer. « Jusqu’au XVIIe siècle, on croyait le Soleil vingt fois plus près qu’il ne l’est vraiment. Grâce aux objets célestes dans notre voisinage (Vénus, Mars, les astéroïdes), les astronomes ont réussi à établir la véritable échelle : on s’approche à 50 % de la bonne valeur à la fin du XVIIe siècle. Puis on passe à 10 % d’incertitude au siècle suivant, pour diminuer à 1 % au début du XIXe siècle et à 0,1 % à la fin de ce dernier. Et encore moins après », précise la Pre Nazé, Maître de recherches FNRS.

La troisième loi de Kepler nous dit que dans le Système solaire, les distances entre le Soleil et les objets qui tournent autour de lui sont proportionnelles, et liées au rapport de leur période de révolution autour du Soleil. Dès lors, déterminer précisément la distance entre une planète et le Soleil permet de connaître la distance entre notre étoile et les autres planètes du Système solaire. Et par là, d’obtenir la taille réelle du Système solaire.

Les temps ont changé

Aujourd’hui, l’observation astronomique n’a plus le goût d’aventure qu’elle avait autrefois. Le Chili ou Hawaï ne sont plus des terres lointaines difficilement accessibles : des avions quotidiens vous y déposent en quelques heures. Sur place, des routes bien asphaltées vous conduisent confortablement de l’aéroport jusqu’au sommet des montagnes où trônent les télescopes.

« Souvent, l’astronome n’a même plus besoin de se déplacer jusqu’aux observatoires : du personnel entraîné prend les observations pour lui, selon ses instructions préalables, et les lui envoie ensuite par Internet. Plus radical encore, certains télescopes sont contrôlés à distance, voire entièrement robotisés. L’astronome moderne ne regarde pas le ciel dans son télescope. Pire, souvent, il ne l’a même jamais vu ! », explique l’astrophysicienne.

L’Antarctique, un précieux congélateur pour explorer le ciel

Si le monde a indéniablement changé, un terrain d’aventures astronomiques subsiste : l’Antarctique. Les températures extrêmement froides qui y règnent réduisent l’éblouissement infrarouge émis par tout télescope et offrent ainsi un accès aux délicates émissions IR des astres. « De plus, la sécheresse antarctique est proverbiale. Et qui dit moins de vapeur d’eau dans l’atmosphère, dit moins d’absorption de la lumière par cette dernière. » De surcroît, au Pôle Sud, aucune ville, aucune usine, et donc aucune pollution lumineuse.

L’astronome y a donc accès à des lumières venant du cosmos qui lui sont cachées ailleurs sur Terre. Pour les capturer, il lui faut affronter et endurer l’hiver austral dans une station polaire isolée, plongée dans une nuit permanente. La température moyenne flirte avec les -60°C, des pointes sont enregistrées à -90°C. Et il est impossible de rentrer à la maison avant plusieurs mois. S’il n’y avait la facilité des communications modernes, on se croirait revenu à l’époque des grandes expéditions astronomiques.

« Peut-on faire encore plus fort ? Aller encore plus loin ? Oui, il suffit de ne pas rester sur notre planète. L’aventure céleste se poursuit désormais dans l’espace, un milieu où les problèmes liés à l’atmosphère terrestre n’existent pas », indique la Pre Nazé. Prochain challenge : installer des télescopes sur la Lune.

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