Quelque 400.000 Belges sont atteints d’une bronchopneumopathie chronique obstructive, appelée plus couramment BPCO. On parle d’exacerbation lorsque les symptômes respiratoires (toux, volume et/ou purulence de l’expectoration, dyspnée) s’aggravent. « Ces exacerbations engendrent une dégradation de la qualité de vie ainsi qu’une consommation importante des ressources médicales », explique le Dr Jean-Baptiste Duquenne, pneumologue au CHU de Liège. Avec le concours de Comunicare, il a développé un outil de télémédecine d’autosurveillance des patients atteints de BPCO sévère afin de prévenir ces crises .
Qui fume, tousse
Les premiers signes de la BPCO sont une toux, une expectoration, arrivant communément le matin. Il s’agit d’une réponse inflammatoire inappropriée du poumon à l’inhalation de certaines substances toxiques. Le tabagisme en est la première cause. En effet, un fumeur sur 5 et la moitié de ceux qui fument au-delà de 65 ans développent une BPCO.
Maladie respiratoire chronique très fréquente, elle se caractérise par une obstruction progressive des voies aériennes. Et donc à une perte de souffle. Les canaux qui amènent l’air jusqu’aux poumons s’obstruent petit à petit et de manière permanente.
Gestion ambulatoire
De multiples outils de télémonitoring classique ont été développés afin de prévenir les exacerbations. Cependant, ils ont vite été écartés, « exigeant une analyse des données du patient en temps réel ou en différé par un personnel de la santé. En plus d’être de gros consommateurs de ressources humaines, ces outils sont assez compliqués à utiliser et sujets aux problèmes techniques», explique Dr Duquenne.
« Nous souhaitions créer une application simplifiée d’autoéducation et d’autosurveillance pour le patient atteint de BPCO, qui soit gérée de façon autonome, sans l’appui d’un professionnel de santé », poursuit le pneumologue. Ce fut chose faite sous la direction de la Dre Hélène Van Cauwenberge, et avec le concours de Comunicare Solutions, une start-up liégeoise spécialisée dans les technologies de l’e-santé.
Le Dr Duquenne a procédé à la première phase de tests de cette application de télémédecine. Son objectif était de réaliser une évaluation de la qualité de vie des patients atteints de BPCO et l’observance thérapeutique.
La preuve par 7
Concrètement, comment cette application fonctionne-t-elle ? « Une fois chargée et installée, le patient a accès à un menu qui le mène à un volet didactique, de télémédecine informative. Celle-ci propose des vidéos et des articles personnalisés, au contenu vérifié, donnant des infos sur la BPCO », explique-t-il.
« En outre, le patient est amené à encoder 7 données personnelles dont l’objectif est de nourrir un algorithme capable de repérer les exacerbations. Tout d’abord, à l’aide d’un oxymètre, il mesure sa saturation (taux d’O2 dans le sang) et sa fréquence cardiaque, et peut facilement les envoyer à l’application par Bluetooth. Ensuite, il répond par oui ou non à 5 questions relatives à son état général actuel, son essoufflement, volume et couleur des expectorations. Cela prend 30 secondes. »
Un accès facilité aux données
En fonction de la situation, soit le patient n’a pas de retour de l’application, cela signifie que tout va bien ; soit il reçoit une alerte orange, lui demandant de réencoder ses paramètres le lendemain. Dernier cas de figure : il reçoit une alerte rouge le conviant à contacter son médecin ou un professionnel de la santé au sens large, comme son kiné.
« Dans le cas où l’application demande au patient d’appeler le médecin, ce dernier peut regarder en temps réel le tableau de bord de l’application du patient et voir directement les paramètres précis encodés», explique Alfred Attipoe, docteur en informatique et CEO de Comunicare Solutions.
Deuxième phase
A cause de la Covid-19, les ambitions de départ ont dû être revues à la baisse : seuls 14 patients ont été inclus dans la cohorte de tests, et aucun groupe témoin n’a pu être constitué.
« Nous avons, malgré tout, été très satisfaits par la rigueur des patients. 70 % d’entre eux ont rempli au moins 90 % du questionnaire théorique (soit 3 encodages par semaine). Le taux d’encodage étant stable au fil des 6 mois, on en a conclu que les patients ne se lassaient pas. Et plus de 90% des patients de la cohorte se sont déclarés satisfaits de l’outil », précise le Dr Duquenne.
« Nous sommes en train de préparer la deuxième phase de l’étude. On espère y inclure de 50 à 100 patients, dispatchés en deux panels, dont un groupe contrôle», poursuit Dr Attipoe.
« Outre diminuer de la charge de travail du personnel soignant, en rendant le patient plus autonome, la qualité de vie de celui-ci devrait augmenter et il devrait avoir moins de problèmes d’exacerbation. Les allées et venues aux urgences seraient diminuées, et le risque d’hospitalisation devrait chuter. Un coût en moins pour la société », explique Dr Duquenne.
« Si, via nos études, nous parvenons à montrer ses bénéfices, nous ferons une demande de remboursement auprès de l’INAMI afin que cet outil soit gratuit pour le patient », conclut Dr Attipoe.