Prédites par Albert Einstein il y a un siècle et observées pour la première fois en 2015, les ondes gravitationnelles – d’infimes soubresauts de l’espace-temps – ouvrent la voie à de nouvelles découvertes en physique et en astronomie pour comprendre les événements de notre Univers, comme le Big Bang.
En complément des télescopes sur Terre, tel le télescope Einstein qui pourrait voir le jour à quelques kilomètres de chez nous, pourquoi pas sur la Lune ? C’est ce qu’une équipe scientifique internationale, à laquelle appartiennent des chercheurs de l’UCLouvain et de l’ULiège, souhaite faire, soit utiliser la Lune elle-même comme un support de détection des ondes gravitationnelles.
Une future expédition lunaire en vue
Les ondes gravitationnelles sont produites par la collision d’éléments célestes, comme des trous noirs ou des étoiles à neutrons. Lors de ces événements extrêmes, une vibration traverse le tissu de l’espace-temps : c’est la toile élastique sur laquelle se révèlent tous les événements de l’Univers. Détecter ces vibrations induites par les ondes gravitationnelles nécessite des équipements ultra-sensibles.
« Nous avons soumis à l’ESA et à la NASA le projet d’installer un détecteur d’ondes gravitationnelles sur la Lune. Une belle idée pour une future mission scientifique lunaire, et nous avons l’intention de transformer ce concept passionnant en réalité », déclare Jan Harms, professeur au Gran Sasso Science Institute (Italie).
« Construire quelque chose d’aussi complexe qu’un détecteur d’ondes gravitationnelles sur la Lune est une entreprise extrêmement difficile. Nous devons donc faire preuve d’ingéniosité », poursuit-il. Il est à la tête d’une équipe de plus de 80 scientifiques venus d’Italie, de Belgique, des Pays-Bas, du Danemark, des États-Unis, de Suisse et du Royaume-Uni réunis au sein du projet Lunar Gravitational Wave Antenna (LGWA).
Un premier essai dans les années 70’
L’idée de détecter les ondes gravitationnelles sur la Lune a été mise en pratique pour la première fois par Joseph Weber au début des années 1970. Un gravimètre de surface lunaire a été déployé en 1972 sur la Lune avec la mission Apollo 17 dans le but d’observer les vibrations lunaires causées par les ondes gravitationnelles.
Mais une erreur de conception du gravimètre a rendu impossible la réalisation de l’expérience prévue.
« Nous savons aujourd’hui que même un gravimètre en état de marche n’aurait pas été assez sensible pour voir les signaux astrophysiques. Il est donc nécessaire de développer une nouvelle génération de sismomètres lunaires », explique Joris van Heijningen, chercheur à l’UCLouvain et collaborateur du projet.
Des technologies de pointe
« L’UCLouvain fabrique actuellement les premiers prototypes du cœur du détecteur : le sismomètre. Il s’agira du capteur le plus sensible au monde qui fonctionnera dans des conditions cryogéniques », poursuit-il.
Grâce à de nouvelles technologies et en tirant parti des conditions environnementales favorables au pôle sud de la Lune, l’étude révèle un vaste champ d’opportunités de recherche en astrophysique.
« Nous serions en mesure de voir les signaux de binaires compactes composées de naines blanches galactiques jusqu’aux trous noir massif à haut décalage vers le rouge », assure Roberto Della Ceca, directeur de l’Observatoire astronomique INAF de Brera, « avec un potentiel de découvertes révolutionnaires. »
Dans le même temps, les capteurs sismiques de l’antenne à ondes gravitationnelles lunaires observeraient les événements sismiques lunaires avec une précision sans précédent. « La plate-forme sismique développée dans le cadre du projet SILENT que je mène à l’Université de Liège est un excellent simulateur de l’environnement lunaire, qui permettra de tester et de valider les sismomètres ultra-précis nécessaires au LGWA », explique le Pr Christophe Collette, Directeur du laboratoire de mécatronique de précision à l’Université de Liège.
Marco Olivieri, sismologue de l’INGV de Bologne, estime que « les données provenant du LGWA seraient d’une grande valeur pour la science lunaire, car elles permettraient de faire la lumière sur la structure interne de la Lune, les mécanismes de ses tremblements et l’histoire de sa formation. »
Le projet entre dans une phase d’études détaillées des technologies scientifiques et de déploiement. « Il ne fait aucun doute que quelques défis doivent être surmontés, mais le regain d’intérêt pour la Lune de la part des principales nations spatiales et l’expertise exceptionnelle de l’Europe en matière de technologies et d’exploration spatiales seront à notre avantage », conclut Jan Harms.