Récolte du pitaya.
Récolte du pitaya.

La chimie verte se nourrit de fruits de dragon

31 juillet 2019
par Camille Stassart
Temps de lecture : 5 minutes

Série (3/5) : Sciences Nord-Sud

Au rayon des fruits exotiques, un petit nouveau vole la vedette aux noix de coco, ananas et autres papayes. Le « fruit du dragon », aussi connu sous le nom de pitaya, est de plus en plus populaire auprès des consommateurs. Considéré comme un « super fruit », il refermerait une chaire riche en fibres, vitamines et autres nutriments essentiels.

Pitaya: fruit en croissance avec taches.
Pitaya: fruit en croissance avec taches.

Sa production est toutefois aujourd’hui en péril. L’arbre qui produit ce fruit est en effet atteint d’une maladie inconnue depuis une dizaine d’années. Ce qui entraine des pertes économiques importantes, notamment pour les agriculteurs du Vietnam, l’un des principaux pays exportateurs.

Lutter contre cette maladie dans la région est au centre du projet de recherche de l’Université de Liège, piloté en coopération avec l’Université d’Économie de Ho Chi Minh Ville, le service des Sciences et Technologies de Binh Thuan, l’International University et l’UCLouvain.

La mort des cactus impacte le sud du Vietnam

« Dans tous les pays producteurs, on constate qu’un ou plusieurs agents pathogènes touchent ces fruitiers, dont le mode de transmission n’est pas connu sur ce type de culture. La pathologie entraine à terme la mort du cactus qui porte le fruit, et ainsi cause une baisse de rendement auprès des agriculteurs » indique Aurore Richel, directrice du Laboratoire de Biomasses et de Technologies vertes à Gembloux Agro-Bio Tech, et responsable belge du projet.

« Cette maladie marque le fruit de taches orange. Et bien qu’il reste consommable, on note une diminution de sa vente, car l’intérêt du pitaya est aussi esthétique, c’est un beau fruit souvent sculpté comme décoration culinaire » précise-t-elle.

Fruit/pitaya.

Un des pays les plus impactés par ce problème est donc le Vietnam, un des leaders mondiaux de la culture du fruit du dragon. Et particulièrement la province du Bình Thuận, qui assure près des trois quarts de la production nationale. Pour les agriculteurs de la région, la culture du pitaya représente leur première source de revenus.

La transmission du pathogène évitée par le recyclage

Par ce projet, les scientifiques belge et vietnamiens visent plusieurs objectifs : caractériser la maladie, développer un traitement, mais aussi mettre en place des stratégies pour lutter contre sa propagation.
Avant de trouver un traitement, il faut identifier ce qui cause la transmission de la maladie. Les déchets organiques générés par la taille du cactus seraient les responsables de la propagation de l’infection. L’agriculteur coupe de fait régulièrement les branches du cactus afin d’augmenter sa fructification. Abandonnées le plus souvent au pied de l’arbre, les branches infectées contamineraient ensuite le cactus voisin.

« Dans une logique d’économie circulaire, nous proposons de ramasser ces déchets afin de les valoriser localement. Ce qui implique de changer les habitudes des agriculteurs. Un guide des bonnes pratiques sera d’ailleurs édité en vietnamien dans le cadre du projet », détaille la Dre Richel. « Ces déchets seraient ensuite réutilisés pour fabriquer du plastique biodégradable, mais aussi pour produire du gaz renouvelable ».

Unité de biométhanisation domestique.
Unité de biométhanisation domestique.

Bioplastique et biométhane au programme

Ces mises en valeur des déchets de la culture du fruit du dragon, actuellement à l’étude, offrent divers avantages environnementaux.

La fabrication de bioplastiques représente une solution intéressante pour pallier le problème de la pollution plastique d’origine pétrochimique. Le Vietnam génère à lui seul près de 6000 de tonnes de déchets plastiques, par jour. Les scientifiques évaluent ainsi que la moitié des déchets plastiques dans les océans seraient issus de la Chine, l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam…

« La méthanisation des déchets organiques permettrait de son côté d’alimenter les habitations locales en biométhane », précise la spécialiste en chimie verte. Réduisant de cette manière les émissions de dioxyde de carbone de la région, et améliorant du même coup le niveau de vie de la population.
Ce projet amène donc plusieurs solutions à des préoccupations importantes. En plus d’apporter une réponse originale à la lutte contre la maladie affectant la production fruitière au Vietnam.

« Pour la première fois, nous tentons de valoriser une biomasse atteinte par des agents pathogènes. L’originalité de la démarche réside dans l’idée que c’est justement en exploitant cette biomasse infectée que l’on pourra diminuer le risque de propagation de la maladie », conclut la Dre Richel.

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