Des chemins prometteurs pour résoudre les conflits

31 octobre 2024
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
“La médiation diplomatique internationale”, par Raoul Delcorde. Collection L’Académie en poche. VP 9 euros, VN 3,99 euros

Gérer les conflits internationaux est devenu une priorité de l’agenda mondial. Fort de son passé d’ambassadeur de Belgique, Raoul Delcorde tire les leçons des réussites et des échecs en négociations dans «La médiation diplomatique internationale». De la collection L’Académie en poche.

«La médiation est l’un des mécanismes de résolution des conflits les plus anciens et les plus courants dans les conflits internationaux», précise le chargé de cours invité à la Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication de l’UCLouvain. «Tout d’abord, la médiation est un processus volontaire. Elle a lieu lorsque les parties au conflit demandent l’aide de tiers. Le droit d’accepter ou de rejeter une offre de médiation ou un résultat de médiation appartient entièrement aux parties au conflit.»

«La nature non contraignante de la médiation la distingue d’autres formes d’interventions externes telles que l’arbitrage et le jugement. Les tiers n’ont aucune autorité sur le respect par les parties du résultat de la médiation.»

Un outil efficace à plus de 60%

Selon plusieurs analyses statistiques, la probabilité attendue de parvenir à un accord passe de 12% à 38% lorsqu’un médiateur est impliqué.

«Pour que la médiation soit couronnée de succès, il ne suffit pas qu’un médiateur intervienne», note le membre de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques de l’Académie royale de Belgique, membre associé de l’Académie des sciences d’outre-mer à Paris. «Il faut aussi qu’il intervienne au bon moment. On a pu démontrer qu’une tentative de médiation dans les 6 premiers mois a plus de 60% de chances de déboucher sur un accord partiel ou total.»

«L’Organisation des Nations unies (ONU) devrait faire respecter les conditions de la médiation. Qu’il s’agisse de conflits militaires, maritimes, frontaliers ou de réfugiés.»

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est intervenue dans le différend entre la Thaïlande et les Philippines sur les exportations de thon. Des États ont résolu des litiges internationaux par la médiation. Depuis 2000, la Suisse a participé à la résolution de 20 conflits en soutenant la médiation et la négociation. En 1975, l’Algérie a résolu les différends frontaliers entre l’Iran et l’Irak. Et a facilité, en 1981, la libération des otages étatsuniens détenus en Iran. En 1978, la médiation de l’ancien président étatsunien Jimmy Carter a conduit au traité de paix entre l’Égypte et Israël. «En 2019, l’Inde avait refusé l’offre de Donald Trump de servir de médiateur avec le Pakistan dans la question du Cachemire, car elle connaissait les mauvais antécédents des États-Unis en matière de médiation», relève le diplomate.

Les ONG pourraient jouer un rôle

Les organisations non gouvernementales? «Des ONG du type ‘track two’ (collaboration avec le secteur privé) pourraient bien avoir un rôle à jouer dans le règlement d’un conflit dans lequel au moins l’une des parties estime qu’une intervention ‘track one’ donnerait trop de légitimité à son rival», pense le conférencier au Collège Belgique. «Ou dans lequel les grandes puissances aimeraient beaucoup voir des progrès, mais pour une raison ou une autre, ne peuvent pas prendre le risque de s’impliquer directement.»

«Il semble également probable que le médiateur idéal puisse varier en fonction du stade du cycle du conflit. La médiation ouvre des chemins prometteurs. Sachons la cultiver. La développer et l’apprécier parce que tant que les hommes se parlent, ils ne font pas la guerre.»

Trois médiateurs exceptionnels

Pour conclure, Raoul Delcorde trace le portrait de trois médiateurs hors pair. Le diplomate équatorien Diego Cordovez est surtout connu pour son rôle de sous-secrétaire général des Nations unies aux affaires politiques pendant le conflit en Afghanistan de 1979.

Lakhdar Brahimi est qualifié, en 2004, de «l’un des meilleurs médiateurs et négociateurs que les Nations unies aient eu le privilège d’appeler l’un des leurs» par le secrétaire général de l’organisation Kofi Annan. Au milieu des soulèvements de contestation du «Printemps arabe» dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient en 2011, le diplomate, âgé de 70 ans, a été rappelé comme envoyé spécial des Nations unies pour mettre fin à ce qui était devenu une véritable guerre civile en Syrie.

L’ancien ambassadeur des États-Unis aux Nations unies Richard Holbrooke passa sa vie professionnelle à rechercher des solutions négociées à des problèmes fondamentalement politiques. Le diplomate aimait répéter que «les négociations sont comme le jazz. Ce sont des improvisations sur un thème. Il faut savoir où l’on va et il se peut que l’on doive se contenter de moins que 100%».

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