Robotique, intelligence artificielle, nouveaux interfaces hommes-machines: ces domaines de la recherche vivent actuellement une véritable révolution. Une révolution qui inquiète, par certains aspects, le Pr Hugues Bersini, codirecteur de l’Iridia, l’Institut des Recherches Interdisciplinaires et de Développements en Intelligence Artificielle de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Une révolution dans laquelle il identifie aussi les solutions aux grands problèmes qui touchent la planète.
Attracteurs massifs de cerveaux
L’inquiétude de spécialiste porte un nom, du moins un acronyme: GAFA. Il s’agit des initiales des géants actuels de l’internet et des technologies informatiques: Google, Apple, Facebook, Amazon.
« C’est la concentration de la recherche dans ces domaines, au sein de ces quelques grandes entreprises mondiales, qui m’inquiète », explique Hugues Bersini. « Mais aussi de l’inertie des pouvoirs publics à tirer pleinement parti des nouvelles technologies pour résoudre les grandes crises auxquelles l’Humanité est confrontée ».
“Quand Zuckerberg parle de publier une info sur Facebook par la seule pensée, il s’agit d’un effet d’annonce », dit le Professeur Bersini. « Par contre, ce que fait son entreprise, comme les autres grandes entreprises du secteur, c’est tout simplement transformer radicalement le monde de la recherche dans notre domaine. »
« Ces patrons sont en train de réunir au sein de leur écosystème, et à coups de millions de dollars, tout ce qu’il y a de mieux dans le secteur. Ils rachètent les start-ups prometteuses, ils recrutent massivement les meilleurs chercheurs. Au final, leurs produits seront encore plus performants, plus largement disponibles et sans doute utilisés. Mais dans quel but? N’oublions pas que ce sont des entreprises commerciales, et que le bien commun n’est sans doute pas leur première priorité…”
Des solutions aux grands défis actuels
La défense du bien commun, il faut plutôt la chercher du côté des pouvoirs publics. Ici aussi, Hugues Bersini lève le ton. “Nous disposons aujourd’hui de toutes les technologies nécessaires pour relever les grands défis qui s’offrent à nous. Je pense notamment au réchauffement climatique. Nos technologies et leurs interfaces nous permettent d’y répondre efficacement. Pour autant qu’on prenne les bonnes décisions au niveau politique, et rapidement.”
Dans son livre « Big Brother is driving you », Hugues Bersini pointait les opportunités exceptionnelles offertes par les technologies. Des opportunités qui nous permettent de repenser le mode de fonctionnement de pans entiers de notre économie, de nos méthodes de déplacements, de notre agriculture.
Réduire de 90% nos émissions de CO2 en un an
“Les métros autonomes, les bus sans chauffeurs: cela existe déjà. Malheureusement, on ne pense pas globalement. Or, c’est ce qu’il faudrait pour réduire les bouchons sur nos routes, les retards cumulés, les émissions de CO2, le stress, les accidents… »
« Voici peu, un article paru dans ‘Scientific American’ montrait qu’avec un recours massif aux nouvelles technologies, nous pourrions réduire de 90% et en un an nos émissions de CO2. Bien sûr, cela demande des moyens. Mais surtout un certain courage politique pour transformer en profondeur nos modes de fonctionnement. »
La technologie, source d’emplois
Cette automatisation de nos transports, la robotisation toujours plus grande de nos outils, de nos métiers effraient. Notamment à cause de leurs répercussions pour l’emploi. “C’est un leurre, dit le professeur d’informatique de l’Université Libre de Bruxelles. On entend souvent dire que les robots vont prendre nos jobs. Ce n’est pas vrai. Pour mettre en place ces technologies, repenser la consommation énergétique, l’agriculture, nos façons de manger, notre mobilité, notre vie de tous les jours, il va falloir se former, mais aussi fabriquer, mettre en place, affiner, gérer ces technologies. Tout cela va générer de l’emploi, et à tous les niveaux”.
Et le professeur d’évoquer les énergies renouvelables, les smart-grids, les maisons intelligentes,… “Au niveau de la Belgique, ce sont des centaines de milliers d’emplois qui seront créés, du technicien au cantonnier, en passant par l’installateur de panneaux solaires, l’ingénieur…”.
Survivre dans un monde complexe
“Par contre, ce que la technologie ne peut pas faire, c’est décider de l’évolution sociétale à notre place. La balle est ici clairement dans notre camp. C’est à nous qu’appartient ce genre de décision. Quand on comprend cela, on se rend compte qu’il ne faut pas craindre la technologie. Nous disposons aujourd’hui d’une technologie très développée. Peut-être pas aussi développée que ce qu’on voudrait qu’elle soit. Mais elle est déjà suffisamment riche pour nous permettre de survivre dans un monde qui est devenu très complexe.”
Rendez-vous ce week-end dans « L’Echo »
Ce week-end, en complément du journal, le quotidien L’Echo propose à ses lecteurs son magazine « l’Avant-Garde ». Il est consacré aux pionniers belges dans le domaine des technologies qui « augmentent » l’être humain.