Les nuisances sonores aéroportuaires agacent de plus en plus. Afin de présenter objectivement cette problématique, les acousticiens Jean-Louis Migeot et Jean-Pierre Coyette ont mis leur expertise en commun pour rédiger «Silence, on vole!», publié par l’Académie royale de Belgique.
Dans ce mémoire, le membre de l’Académie, professeur à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), et son collègue de l’Université Catholique de Louvain (UCL) examinent les nuisances sous l’angle technique, sanitaire et règlementaire. Le livre reflète les informations connues par les auteurs au 30 avril 2017.
En 1998, les chercheurs ont cofondé Free Field Technologies (FFT). Cette société du Brabant wallon a reçu le prix Peter Lord Award 2017 de l’Institute of Acoustics pour Actran TM. Un logiciel de simulation acoustique innovant dédié aux prédictions de bruit des moteurs d’avions.
La solution en 5 C
«Un aéroport génère et génèrera toujours des nuisances sonores», jugent les acousticiens. «Il revient aux acteurs économiques et politiques, aiguillonnés par la société civile, de définir des modalités réduisant ces nuisances et leurs impacts sur la population.»
Pour les auteurs, une bonne politique de gestion des nuisances sonores aéroportuaires devrait répondre à la règle des 5 C.
- Concentration: Les vols doivent suivre des trajectoires aussi précises et concentrées que possible.
- Compensation: Proposer aux riverains des mécanismes de rachat d’immeubles, d’isolation clairs et équitables.
- Communication: Les autorités publiques doivent informer de manière transparente et montrer leur préoccupation à l’égard des populations impactées.
- Contrôle et sanction: S’assurer constamment que les opérateurs respectent les règles et que la pratique est conforme aux hypothèses envisagées. Des sanctions financières encouragent un comportement responsable des compagnies et des pilotes.
- Continuité: Une politique stable dans le temps en matière de nuisance permet à chacun de prendre des décisions en connaissance de cause.
Zéro pointé pour Brussels Airport
Au regard de la règle des 5 C, les aéroports wallons sont de bons élèves. Bruxelles-National, situé en Région flamande à Zaventem, obtient un zéro pointé. Au point de vue de la nuisance sonore, les acousticiens relèvent l’absurdité de la dispersion des vols justifiée par la recherche d’un équilibre politique.
Ils pointent la valeur élevée, 109.3 en 2014, de l’indicateur Lden,pop qui permet de comparer les aéroports entre eux. D’évaluer l’impact des différents scénarios d’exploitation.
«Cette valeur élevée résulte du choix de routes conduisant au survol d’un grand nombre de riverains situés au voisinage immédiat de l’aéroport. À l’inverse, l’aéroport d’Amsterdam Airport Schiphol se caractérise par une valeur plus raisonnable, 106.3, alors que dans le même temps le nombre de mouvements et le nombre de passagers y sont deux fois plus élevés qu’à Bruxelles. Et que le trafic cargo est quatre fois plus important. Une exploitation optimale des six pistes de cet aéroport contribue à cet excellent résultat. Les aéroports fortement décentrés des centres urbains, Munich (98.3) par exemple, réalisent de meilleurs scores.»
Tous les intervenants doivent collaborer
Selon l’indicateur Lden,pop, Brussels South Charleroi Airport et Liège Airport se situent entre Schiphol et Bruxelles. Avec 106.7 et 107.4…
«Ceci indique que l’exposition au bruit est significative pour les riverains de ces deux aéroports. Toutefois, les mesures d’accompagnement adoptées par la Région wallonne, l’isolation des habitations en particulier, conduisent à une maîtrise de l’impact du bruit aéroportuaire. Il en va de même à Liège même si, dans ce cas, le nombre important de mouvements de nuit affecte fortement l’indicateur.»
Pour Bruxelles, les chercheurs préconisent de privilégier les trajectoires optimales qui minimisent la gêne au sol en rencontrant les impératifs de sécurité. Cette sélection favorise un programme d’achat et d’isolation budgétairement acceptable. Pour contenir le coût des mesures d’accompagnement, il est essentiel d’organiser une planification territoriale. De fixer des normes de bruit suffisantes pour les nouveaux immeubles situés dans les zones les plus exposées.
«Cette démarche exige toutefois une approche réellement collaborative entre tous les intervenants. En particulier l’État fédéral, responsable de l’exploitation, et les Régions concernées par les nuisances. Elle requiert aussi une importante phase d’étude destinée à l’évaluation de divers plans d’exposition au bruit associés à différents scénarios d’exploitation possibles.»