Dernière ligne droite pour le décret « Open Access » de la Fédération Wallonie-Bruxelles. D’ici quelques semaines, les chercheurs de Bruxelles et de Wallonie qui auront bénéficié d’un financement public pour leurs travaux, devront rendre public, et gratuitement, les publications scientifiques qui y font suite.
« Au risque, s’ils ne s’y plient pas, de ne plus pouvoir espérer obtenir de nouveaux financements publics pour leurs futures recherches », commente le Pr Bernard Rentier, ancien recteur de l’Université de Liège, où ce système « obligatoire » a été mis en place voici déjà une dizaine d’années.
Une « obligation » profitable pour tous
Porté par le ministre Jean-Claude Marcourt, Vice-Président du Gouvernement de la FWB et Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le nouveau décret a été approuvé cette semaine par le gouvernement de la FWB. Il doit désormais passer le cap du parlement puis être publié pour enfin sortir ses effets.
Si on parle « d’obligation », il faut en réalité bien comprendre que le but de ce décret est de rendre la recherche et ses résultats plus largement accessibles. Et par la même occasion, favoriser la visibilité internationale des chercheurs belges.
Passer par un des dépôts institutionnels
« L’établissement d’une politique de libre accès aux publications scientifiques vise à intégrer les institutions de recherche et d’enseignement supérieur de la Fédération dans le mouvement de la « science ouverte », c’est-à-dire un ensemble de pratiques de la recherche scientifique basées sur l’utilisation des outils de l’Internet: archivage numérique, copie déverrouillée sur le web, etc. », précise le cabinet du Ministre.
« Le décret « Open Access » et, in fine, l’accès libre aux résultats de la recherche ayant bénéficié d’un financement public en est le premier pilier. »
Concrètement, les chercheurs qui auront bénéficié d’un financement public en Fédération Wallonie-Bruxelles devront à l’avenir déposer une copie en libre accès de leurs publications dans un dépôt institutionnel. Toutes les universités en organisent un. Il en existe d’autres.
Le « modèle liégeois » comme nouvelle norme
« Jusqu’à présent, nous remarquions que ces dépôts ne recelaient que 20% des articles qui auraient pu ou dû s’y trouver », commente le Pr Rentier. À Liège, où le système est depuis longtemps coercitif, ce chiffre bondit à 90%. C’est donc un modèle de ce genre que le gouvernement de la FWB met désormais en place. »
Le texte voté par le gouvernement est le fruit d’un dialogue entre le milieu scientifique et académique et les éditeurs belges. (1)
« Des balises ont été adoptées afin de répondre aux préoccupations principales exprimées par ces derniers comme, par exemple, la limitation du champ d’application du décret aux articles scientifiques paraissant dans les périodiques et non aux ouvrages édités », précise le gouvernement de la FWB.
La Fédération Wallonie-Bruxelles pionnière, à côté d’Harvard et de la Suisse
« La Fédération adopte un texte fondateur qui place les institutions de recherche et d’enseignement supérieur dans le peloton de tête des institutions mondiales actives dans la « science ouverte » », assure Jean-Claude Marcourt.
« La Wallonie et Bruxelles s’engagent ainsi aux côtés d’acteurs de renommée mondiale tels que l’Université d’Harvard ou encore les universités suisses telles que Zurich, Lausanne ou encore Genève ».
En favorisant le partage des résultats de la recherche ayant fait l’objet d’un financement public, le décret « Open Access » permet la libre circulation du savoir, la promotion de la science et de l’innovation ». Une pratique encouragée depuis des années par le FNRS.
Avancée sociétale
Concrètement, le décret prévoit que les chercheurs déposent dans une archive numérique institutionnelle leurs publications scientifiques issues de leurs recherches réalisées sur fonds publics et recommande que lors de l’évaluation des publications, de prendre exclusivement en considération, les listes générées à partir de ces archives numériques institutionnelles.
« Le fruit de la recherche émanant de la Fédération Wallonie-Bruxelles devient ainsi accessible partout dans le monde et, plus spécifiquement, auprès des chercheurs dont les institutions ne pouvaient jusqu’ici se permettre d’acheter ces publications scientifiques », se réjouit le Ministre. « C’est une avancée sociétale fondamentale ».
En phase avec l’Union européenne
Avec ce décret, la Belgique francophone se met en phase avec ce que réclame l’Union européenne en matière d’open access pour les recherches financées par les pouvoirs publics. On notera que depuis le dernier programme-cadre de recherche, une telle obligation est de mise pour les recherches que la Commission finance. Une réalisation à laquelle le directeur général sortant de la Recherche européenne (DG Recherche), le Néerlandais Robert-Jan Smits, a largement contribué.
Un directeur général qui vient d’être investi d’une nouvelle mission européenne en ce sens. À l’heure actuelle, 67% des publications scientifiques produites dans le cadre d’un projet de recherche européen sont mises à disposition en libre accès. Le but est d’arriver à 100%, indiquait hier M. Smits.
Une précision encore. « En Flandre, un tel système coercitif n’existe pas encore à l’échelle de la Région/la Communauté », constate le Pr Rentier. Et il conclut: « mais bien entendu, chaque université flamande dispose de son propre dépôt institutionnel ».
(1) Note (ajoutée le 2 mars 2018):
De leur côté, les éditeurs scientifiques belges se disent cependant inquiets par rapport à ce projet de décret. Ils expliquent, dans un communiqué, n’avoir été entendus qu’une fois en mars 2017 par le cabinet du ministre Marcourt alors que le projet était déjà adopté en première lecture. Ils constatent également, via leur association (l’Association des Editeurs Belges/« ADEB »), qu’aucun changement n’a été fait dans le texte adopté cette semaine par le gouvernement de la FWB.