La reconnaissance faciale devient génétique

13 mars 2018
par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes

Pour faciliter le passage des voyageurs aux contrôles frontaliers ou pour déverrouiller automatiquement un appareil électronique, la reconnaissance faciale fait des progrès, avec ses atouts et ses faiblesses.

Ce système informatique d’identification d’une personne se base sur l’analyse du visage. Les logiciels capturent une ou plusieurs images de la personne à identifier et comparent ensuite certaines caractéristiques avec une ou plusieurs bases de données où la personne est déjà clairement identifiée.

Images 3D et échantillons d’ADN

En Belgique, cette reconnaissance faciale vient de passer à une autre dimension. Une dimension plus… génétique. Un chercheur de l’Université de Louvain (KULeuven), à la tête d’une équipe internationale comprenant des scientifiques américains (Pittsburgh, Stanford et Penn State University), vient d’identifier une série de gènes qui déterminent de manière plutôt unique, la forme… de notre nez.

« Notre ADN détermine à quoi nous ressemblons, y compris nos traits faciaux », indique l’équipe.

Le tout est de pouvoir déterminer quels gènes de notre ADN sont responsables des caractéristiques spécifiques de notre visage. «Nous cherchons essentiellement des aiguilles dans une botte de foin», explique Seth Weinberg (Pittsburgh). «Dans le passé, les scientifiques ont sélectionné des caractéristiques spécifiques, notamment la distance entre les yeux ou la largeur de la bouche, puis ils ont cherché un lien entre cette caractéristique et de nombreux gènes, ce qui a déjà permis d’identifier un certain nombre de gènes. Bien sûr, les résultats sont limités. Seul un petit nombre de fonctionnalités sont sélectionnées et testées ».

Dans la nouvelle étude menée à la KULeuven, les chercheurs ont adopté une approche différente. “Notre recherche ne se concentre pas sur des traits spécifiques”, explique le Belge Peter Claes. «Mes collègues de Pittsburgh et de Penn State ont chacun fourni une base de données avec des images 3D de visages mais aussi des échantillons d’ADN correspondant de ces personnes ».

Sept gènes liés à la morphologie du nez

« Chaque visage a été automatiquement subdivisé en multiples petits modules. Nous avons ensuite examiné si certaines régions de l’ADN correspondaient à ces modules. Cette technique de division a permis pour la première fois de vérifier un nombre sans précédent de traits faciaux », précise le spécialiste en analyse d’images numériques.

Les scientifiques ont ainsi pu identifier quinze localisations dans notre ADN en lien avec des caractéristiques du visage.

« Nous avons notamment découvert que différentes variantes génétiques identifiées dans l’étude sont associées à des régions du génome qui influencent quand, où combien de gènes liés aux traits faciaux sont exprimés »,  indique un autre membre de l’équipe.

« Sept des quinze gènes identifiés sont liés au nez, et c’est une bonne nouvelle », continue Peter Claes. « Un crâne nu ne contient aucune trace du nez. Celui-ci ne comprend que des tissus mous et du cartilage », rappelle-t-il. Lorsque le médecin légiste veut reconstruire un visage sur la base d’un crâne, le nez est l’obstacle principal. A l’avenir, s’il dispose de l’ADN de la victime, il pourrait plus facilement en déterminer la forme exacte ».

Des applications en médecine légale et en histoire

«Nous ne sommes pas encore en mesure de prédire la forme correcte et complète de tout un visage sur base de l’ADN d’une personne », indique cependant l’équipe. « D’autant que celle-ci dépend aussi de l’âge, de notre environnement et de notre mode de vie ».

«Cependant, avec la même technologie innovante utilisée dans notre étude, nous pouvons déjà imaginer diverses applications concrètes: en imagerie médicale par exemple. A long terme, cela pourrait fournir un aperçu génétique de la forme et du fonctionnement de notre cerveau, ainsi que des risques de développement de maladies neurodégénératives telle que la maladie d’Alzheimer », estime encore Peter Claes (KU Leuven).

Les médecins pourraient aussi utiliser ces informations génétiques dans le cas d’une chirurgie reconstructrice du crâne et du visage. Les médecins légistes pourraient esquisser le visage d’un agresseur sur la base des traces d’ADN prélevées sur une scène de crime. Et même les historiens seraient en mesure de reconstruire les traits du visage d’une figure marquante de l’Histoire.

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