Il ne mesure pas plus de 60 centimètres, pèse moins de quatre kilos et pourtant, il fait frémir professeurs et éducateurs…Nao, robot humanoïde, pourrait à long terme les supplanter dans les salles de classe et les centres psycho-médicaux sociaux (PMS). « Créé à l’image de l’homme, ce robot gagne de plus en plus en possibilités interactives : il devient un objet avec lequel on ne peut s’empêcher de tisser des liens », glisse Antoine Malaise. Avec Pascal Rivière, ce maître-assistant au département d’Informatique de la Haute école en Hainaut (HEH) crée des programmes pour le robot dans la perspective d’encadrer des publics fragilisés. « C’est un peu comme une voiture téléguidée : nous élaborons des scénarios plus ou moins complexes que la machine va exécuter en fonction de la reconnaissance vocale ou visuelle par exemple. »
En partenariat avec la Haute école Robert Schuman et le Collège de Valleyfield au Canada pour la recherche, mas aussi avec l’Institut Médico-Pédagogique L’Espéranderie et L’Ancre en province du Hainaut, ils ont mené des expériences interactives entre ce robot et des enfants autistes. L’idée était d’abord de voir comment Nao pouvait améliorer l’accompagnement de publics vulnérables, domaine dans lequel peu d’études ont été réalisées. « Lorsque nous avons mis les enfants en contact avec le robot, les réactions ont été surprenantes, s’enthousiasme Antoine Malaise. C’est surtout sur l’aspect relationnel que les résultats ont été très intéressants. » Des réactions que les éducateurs n’avaient jamais obtenues ont motivé l’équipe. Un enfant qui n’avait jusqu’alors jamais parlé, a parlé au robot. Le peu de mimiques faciales, de variations d’intonations, rassurent les enfants autistes. Pas de froncement de sourcils, pas un mot plus haut que l’autre. L’imprévisible de l’humain est réduit à son minimum.
De stimulantes premières observations
« Les réussites actuelles au niveau social sont saisissantes, mais encore difficiles à quantifier : il nous faut davantage de tests, précise Antoine Malaise. Mais les contacts paradoxalement humains que Nao a pu susciter sont surprenants. » La petite machine aux yeux ronds et au visage animé se déplace, tombe, se relève…elle observe, réagit, établit le contact. Nao s’adapte, en fonction des scénarios encodés, à la personne qui se trouve en face de lui.
A l’origine, le robot n’était pas construit pour devenir un outil thérapeutique. Mais des recherches américaines ont ouvert la voie au robot comme aide éducative. « Les enfants ont exprimé une forme d’empathie, poursuit le chercheur. Or, les enfants atteints d’autisme sévère expriment peu ce genre de sentiments. Leur délicatesse est parfois surprenante au regard de leur comportement avant d’avoir vu le robot : certains sautent partout ou se désintéressent de toute activité. Ici, la curiosité pour cet élément nouveau est saisissante. Nao arrive à les apaiser, en quelque sorte. »
Des freins psychologiques et matériels
Pour les chercheurs, la grande réussite est d’avoir convaincu des centres, au terme de ces premières observations stimulantes, à utiliser le robot. « Les freins sont nombreux, regrette Pascal Rivière. Parmi les premiers ? Les professeurs et éducateurs ! Cela fait peur, pour de mauvaises raisons. On entend beaucoup la crainte que Nao ne vienne se substituer à l’humain et voler les emplois des pédagogues. Nous n’en sommes pas là : le niveau de l’intelligence artificielle (IA) est encore trop faible pour que cette crainte se réalise. Il y a de nombreux obstacles psychologiques à lever… »
Loin d’y voir un concurrent, les deux chercheurs veulent prouver que Nao peut être un outil complémentaire à la pratique des professionnels sur le terrain. Au-delà des enfants autistes, ils visent un public cible plus large : personnes âgées ou handicapées pourraient bénéficier des aspects relationnels que le robot peut impulser.
Mais outre les freins psychologiques, les contraintes matérielles retardent les avancées techniques. « Le robot est encore fragile…, regrette Antoine Malaise. Son autonomie n’est que de 90 minutes aujourd’hui. Il chauffe rapidement et la reconnaissance vocale n’est pas optimale, voire encore difficilement inexploitable avec les enfants. »
Phase expérimentale
Les nouvelles versions du robot se perfectionnant, les expérimentations pourraient gagner en précision à l’avenir. « Il sera alors possible de gérer de plus en plus de situations avec le robot, selon Antoine Malaise. Mais il ne remplacera pas un éducateur à 100%, qui doit garder la main sur les activités, notamment grâce à une appli sur son smartphone. Les enfants autistes réagissent tous très différemment : comment prévoir tous ces scénarios dans la programmation du robot ? C’est un des défis de nos recherches actuelles. »
Prochaine étape : construire une grille d’évaluation précise des comportements des enfants. « Cela nous permettra de voir si nos scénarios vont dans le bon sens et d’en tirer des statistiques. Cette étape d’expérimentation pure est cruciale pour l’avancée de nos recherches. Nous espérons contribuer à densifier le peu d’écrits réalisés sur l’influence relationnelle d’un robot sur les publics fragilisés », conclut Antoine Malaise .