Comment développer davantage la présence des femmes dans les métiers, et avant cela les études, impliquant les sciences, les mathématiques, les techniques ? La question est lancinante et ne connaît pas de réponse simple. « Mais des pistes pour améliorer la situation existent », estime Lieve Lambrechts, première « ambassadrice des sciences » de la Région bruxelloise.
La mathématicienne de la VUB, assistante au sein du département Physique appliquée, fut lauréate, il y a un an, du prix WATS-Women Award in Technology and Science décerné par Innoviris.
Ne vous cachez plus!
La scientifique vient de consacrer plusieurs mois à plancher sur cette question de la présence des femmes dans les STEM (acronyme anglo-saxon désignant les sciences, les techniques, l’ingénierie et les mathématiques). «L’automne dernier, j’ai eu la chance de participer, et c’était une première pour une scientifique belge, au programme international américain « Hidden no more: advancing women in STEM fields ». Pendant deux semaines, en compagnie d’une cinquantaine d’autres femmes scientifiques issues d’autant de pays différents, elle a été à la rencontre des autorités américaines, mais aussi d’institutions, d’écoles, de centres développant ou réfléchissant à cette question.
« Ce voyage d’études proposé par le Département d’État américain était particulièrement enrichissant », commente-t-elle. Outre la visite de laboratoires de physique de renommée internationale, de musées scientifiques et techniques (dont celui de l’Air et de l’Espace à Washington) et d’autres institutions comme la National Geographic Society, Lieve Lambrechts a surtout eu l’occasion de rencontrer et d’échanger avec des femmes occupant des postes de direction dans ces diverses structures. L’occasion d’évoquer les problèmes rencontrés par les femmes scientifiques en cours de carrière. « Y compris dans des institutions pourtant très inclusives, comme la National Geographic Society », pointe-t-elle.
Parmi les pistes envisagées pour améliorer la présence des chercheuses, des ingénieures ou encore des mathématiciennes dans les filières de formation puis les métiers, elle pointe deux initiatives découvertes sur place.
Dès l’école secondaire, il faut démystifier les STEM auprès des jeunes femmes
La première concerne une école secondaire de Caroline du Nord, la « Stem Early College », qui tente de faire émerger chez les filles l’intérêt pour les sciences et les techniques. « Il s’agit ici de casser les stéréotypes qui veulent que les STEM, c’est d’abord une affaire de garçons et que par conséquent ce n’est pas pour elles », explique Lieve Lambrechts.
« On travaille donc ici par projets transversaux. Par exemple en explorant la thématique de la faim. Les STEM sont alors utilisés comme de simples outils. On n’apprend pas les maths pour les maths, mais bien parce que ce sont des outils qui vont permettre de comprendre une certaine problématique, de résoudre une difficulté. Idem pour les sciences de l’ingénieur, ou la chimie. Bref, ici, on utilise les STEM comme un moyen de répondre à une question qui n’a rien à voir avec un apprentissage théorique rebutant de prime abord. Et cela marche ! », relate-t-elle.
Apporter des changements systémiques dans le monde de l’éducation
L’autre initiative porte sur la manière plus institutionnelle d’apporter des changements systémiques dans l’apprentissage et l’utilisation des STEM. C’est le cœur du programme « Advance » de la NSF (National Science Fondation). La NSF est l’agence de financement de la recherche fondamentale aux États-Unis. L’équivalent (toutes proportions gardées) du FNRS en Belgique, ou son pendant flamand, le FWO. Depuis le début de ce programme, qui touche aussi bien les filles que les garçons, quelque 270 millions de dollars y ont déjà été consacrés.
Bien sûr, la tournée américaine de l’ambassadrice bruxelloise des sciences s’est aussi arrêtée au Fermilab, au CalTech et d’autres laboratoires de recherche de prestige où la physique occupe une place de choix. De quoi faire briller les yeux de la scientifique belge dont le doctorat porte sur la photonique.
Favoriser la visibilité des femmes dans les médias
Mais au final, que reste-t-il de cette expérience américaine ? « Des prises de conscience, des pistes pour améliorer la présence des femmes dans les STEM, globalement, mais aussi des initiatives susceptibles d’être mises en œuvre localement », estime Lieve Lambrechts. « Je pense par exemple à un programme de mentorat pour les femmes scientifiques en début de carrière. L’organisation de journées « Women in STEM » chez nous, à destination des écoles. Ou encore à des actions pour favoriser une plus grande visibilité des femmes actives dans les domaines scientifiques, techniques et mathématiques dans les médias, histoire de faire évoluer la perception du public dans ce domaine ».
À ce propos, on ne manquera pas de rappeler une initiative belge en la matière : expertalia.be. Il s’agit de la mise sur pied d’une base de données d’expertes… et d’experts, issus de diverses origines. Cet outil, mis au point par l’Association des journalistes professionnels, est à destination des journalistes. Il vise à leur apporter un outil supplémentaire destiné à faciliter la pratique quotidienne de leur métier et à leur faire prendre conscience que l’expert qu’ils recherchent est peut-être… une experte. Par ailleurs, il leur offre dans le même temps une plus grande visibilité. En un mot : du gagnant-gagnant !