À l’Université de Mons, des chercheuses ont fait une étonnante découverte sur la sclérose en plaques grâce à l’hippocampe de la souris. Cette maladie auto-immune est connue pour les paralysies qu’elle provoque. 50 % des personnes qui en souffrent développent aussi des troubles de la mémoire, de l’apprentissage ou présentent des difficultés à maintenir leur attention. Il s’agit de problèmes cognitifs. Les chercheurs montois ont trouvé le moyen de supprimer ces troubles chez les souris atteintes par la maladie.
Un intérêt récent pour ces symptômes
La sclérose en plaques est connue et décrite depuis plusieurs siècles, mais cela fait 20 ans à peine que la recherche s’intéresse aux symptômes cognitifs du patient.
« Le malade a du mal à rester attentif, à mémoriser l’information, à s’exprimer et à retrouver ses mots », détaille la Pre Laurence Ris, chef du service de Neurosciences de l’UMons. « Cela n’a pas été bien décrit parce que ce n’est pas systématique. Tous les patients qui ont la sclérose en plaques n’ont pas de problèmes cognitifs. C’est très variable d’un individu à l’autre, mais on se rend compte qu’il y a au moins 50 % des patients présentent des troubles de ce type. »
L’esprit malade isole la personne
Les difficultés cognitives sont d’une importance capitale. « Pour la personne atteinte de SEP, les problèmes cognitifs sont probablement plus à l’origine de la perte de son travail et du retrait de la société que les symptômes moteurs. Ils ont plus d’effets négatifs sur son bien-être », explique la professeure.
À l’UMons, on travaille sur des modèles de souris. Lorsque l’animal développe la maladie, les chercheuses observent des troubles moteurs, mais aussi cognitifs, plus difficiles à analyser. Le laboratoire dispose toutefois de toute une série de tests comportementaux pour les souris qui permettent d’analyser leur mémoire, leurs capacités d’apprentissage, leur état dépressif, etc. Les scientifiques se sont penchées sur la zone responsable de ces fonctions dans le cerveau : l’hippocampe.
Le « boost compensatoire »
Première découverte : lorsque les problèmes moteurs de la souris s’amplifient, son état cognitif s’améliore. « On ne s’attendait pas du tout à ça”, s’étonne la chercheuse. “Quand la souris va moins bien d’un point de vue moteur, elle va mieux d’un point de vue cognitif. »
Dans un deuxième temps par contre, en période de rémission, la cognition va de moins en moins bien. « C’est comme si le cerveau avait essayé de compenser et puis… comme la compensation ne suffit plus, on entre dans un processus inverse », développe-t-elle encore.
Deux pathologies en une
Ce « boost » compensatoire permet aux chercheuses de constater que les mécanismes qui provoquent la paralysie et les défaillances de l’esprit sont différents. « Même si on supprime les pertes de mémoire et les problèmes d’apprentissage… l’individu est toujours paralysé. Cela montre bien qu’on n’est pas dans les mêmes mécanismes pour les deux systèmes », précise la professeure Ris.
Le cerveau est un peu isolé du reste du corps et possède son propre système immunitaire : la microglie. Celle-ci augmente très fort dans l’hippocampe (région cérébrale responsable de la mémoire et de l’apprentissage) pendant la pathologie. Et si elle augmente, c’est à cause d’une inflammation. « Donc, si on supprime l’inflammation, on supprime les problèmes cognitifs », déclare la chercheuse, avant d’ajouter qu’il s’agit d’un résultat à développer à l’avenir.
De la souris à l’homme
Ce qui a été découvert chez la souris est loin d’être encore applicable à l’homme en l’état actuel. Il faut donc être très prudent avec les résultats. Mais Laurence Ris est optimiste : « C’est intéressant parce que quand on soigne les gens, on sait maintenant qu’on doit s’intéresser spécifiquement aux problèmes cognitifs pour pouvoir les traiter. Ce n’est pas parce qu’on traite les symptômes moteurs qu’on va nécessairement traiter la cognition et inversement ».
Il y a une pathologie principale (la paralysie) qui déclenche l’inflammation dans l’hippocampe et cette inflammation va provoquer les problèmes cognitifs. Pour l’instant, « on arrive à supprimer les effets sur l’hippocampe et donc sur la mémoire, avec une molécule qui agit spécifiquement sur la microglie », nuance la professeure. L’étape suivante ? Comprendre pourquoi la microglie réagit de cette manière dans le cerveau et son rôle exact dans la perturbation de la cognition.
Les résultats de l’étude paraîtront au printemps prochain. Elle est menée par Adeline Rinchon, chercheuse en Faculté de Médecine et de Pharmacie de l’UMons, Agnès Villers, chercheuse en neurosciences et première assistante à l’UMons ainsi que par la Pre Laurence Ris.