Le lac Tanganyika, en Afrique orientale, qui s’étend sur 700 kilomètres, vient de réserver une surprise aux chercheurs. Un de ses poissons, les « sardines du lac Tanganyika » (Stolothrissa tanganicae) sont toutes cousines. Plus exactement, elles constituent un groupe génétiquement homogène.
Cette découverte, réalisée par des biologistes de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), du Musée royal de l’Afrique centrale (Africa Museum) et la KU Leuven, montre que la population de sardines Stolothrissa tanganicae ne contient donc pas de sous-groupes.
Ressource alimentaire
En août 2016, les chercheurs avaient prélevé des échantillons de poissons dans cinq régions du Tanganyika. Au total, 96 sardines ont été étudiées.
« Pendant ce travail de terrain, les habitants se montraient très intéressés par notre travail. Ils se disaient aussi prêts à collaborer à la protection des stocks de poissons, mais il leur manquait les connaissances essentielles à l’établissement d’un plan de gestion efficace », relate la chercheuse Els De Keyzer (KULeuven), qui a mené la recherche avec Zoë De Corte du Jemu, (Joint Experimental Molecular Unit).
Le Jemu est une infrastructure de recherche intégrée financée par la Politique scientifique belge et soutenue par l’Institut royal belge des sciences naturelles et le Musée royal de l’Afrique centrale. Ce laboratoire soutient la recherche scientifique dans les domaines de la systématique moléculaire, de la reconstruction phylogénique et de la génétique des populations.
Car c’est bien là que se situe le problème. Ce poisson fournit de la nourriture à des millions de personnes dans l’une des régions les plus pauvres du monde. En raison du changement climatique et de la surpêche, les stocks de clupéidés du lac Tanganyika sont en déclin.
Or, la sardine est d’une importance vitale pour la sécurité alimentaire de quelques millions d’habitants de ces pays. « Et le problème est d‘autant plus grand qu’elle est aussi la proie d’autres poissons alimentaires, tels que les Latidae (perches géantes) », indiquent les chercheurs.
« De plus, les sardines du Tanganyika poissons se déplacent sur toute la longueur du lac », indique Maarten Van Steenberge, ichtyologue à l’IRSNB et au MRAC. « Ceci implique qu’une surpêche dans une partie du lac fait diminuer également le nombre des sardines ailleurs», précise ce spécialiste des poissons.
Les pays riverains condamnés à collaborer pour préserver leurs ressources
Le lac est bordé par quatre pays : la République démocratique du Congo, la Tanzanie, le Burundi et la Zambie. « Ces quatre pays riverains devront collaborer afin de mieux gérer leurs stocks de poissons. Cela ne fonctionnera pas si un pays applique seul une gestion durable, en imposant des quotas de pêche par exemple, tandis que, de l’autre côté de la frontière, les pêcheurs capturent à volonté les mêmes sardines », dit encore l’IRSNB.
« La présente étude, parue dans BMC Evolutionary Biology, est une première démarche dans la sensibilisation du public et des décideurs », précise le MRAC dans un communiqué. « D’autres études génétiques ont été planifiées, ainsi qu’un sondage auprès des pêcheurs afin de savoir ce qu’ils pensent des différentes mesures de protection à envisager ».