Série (4/5) : « Les spin-offs esquissent le futur »
Les constructions vibrent. Que ce soient les gratte-ciels, les éoliennes, les avions ou encore les fusées. Sans ces oscillations, les structures seraient trop rigides et casseraient au moindre choc. Mais dans des cas rencontrés de plus en plus souvent en industrie, certaines vibrations dites « non-linéaires » peuvent devenir très importantes. Provoquant une usure prématurée des pièces, et dans le pire des cas, leur destruction.
NOLISYS est la seule entreprise au monde à proposer un outil numérique pour prévenir ce problème. Cette spin-off de l’Université de Liège a reçu le soutien financier du programme wallon First Spin-off, de 2016 à 2019. Lancée il y a 3 ans, elle compte Airbus, ArianeGroup, Pratt & Whitney ou encore l’US Air Force parmi ses clients.
Une réaction disproportionnée
« NOLISYS est la contraction des termes “Non-Linear Systems”, un objet que j’ai étudié dans le cadre de ma thèse au Laboratoire des Structures et Systèmes Spatiaux de l’ULiège » précise Thibaut Detroux, cofondateur et gérant de la spin-off.
Les systèmes non-linéaires ont, comme leur nom l’indique, la particularité de voir apparaître des vibrations « non-linéaires » dans la structure de la construction. Pour les comprendre, il est utile de définir les vibrations linéaires :
« En cas d’impact, une structure donnée vibre proportionnellement à la force du choc : plus le coup sera puissant, plus la vibration du matériau sera importante. C’est ce qu’on appelle des vibrations linéaires. Mais les architectures plus compliquées, comme les avions bâtis avec des matériaux composites, n’ont pas la même réaction. Un faible impact pourra ainsi entraîner de grandes vibrations disproportionnées. Elles sont dites non-linéaires » explique le Dr. Detroux.
Ces vibrations particulières sont dues au design de la construction. Certains endroits, comme des connexions de boulons, peuvent devenir des « sources de non-linéarité ». Une solution existe pour les éliminer : créer des supports plus robustes. Mais ils sont lourds, demandent plus de matériaux à la construction et d’énergie pour fonctionner.
Il est dès lors crucial d’anticiper les vibrations non-linéaires. « Au terme de mes recherches et de celles du laboratoire, nous sommes parvenus à développer un logiciel pour étudier et prédire ces vibrations en aérospatiale. Nous avons rapidement compris que cet outil serait très utile aux industriels, encore dépourvus de solutions face à ces vibrations » précise Thibaut Detroux.
Simuler plutôt que tester
NOLISYS est la première entreprise à proposer un outil qui anticipe cet effet de non-linéarité. « La dynamique non-linéaire dans l’application industrielle est encore très peu étudiée. Plusieurs sociétés dans l’aérospatiale, l’automobile et le génie civil sont pourtant confrontées à cette difficulté. C’est un secteur de niche, mais mondial » souligne le gérant.
Jusqu’ici, la solution mise en place par les constructeurs consiste à répéter des essais. Les pièces créant les vibrations non-linéaires sont testées, jusqu’à parvenir à un design moins problématique. Plutôt que de multiplier ces tests coûteux, la start-up propose de conseiller en amont les industriels.
« Grâce à notre logiciel, nous prédisons le comportement de la structure avant sa construction. Concrètement, nous importons dans le programme un prototype fourni par le client. Nous modélisons ensuite diverses données et le logiciel simule les vibrations qui se produiraient dans la construction donnée. Si les sollicitations de la structure provoquent des vibrations problématiques, nous recommandons alors les solutions pour les éviter. »
« Nous proposons aussi d’analyser les vibrations de structures déjà construites afin de détecter où se situent les sources de non-linéarité ».
L’utilité de la recherche
Dans le futur, l’entreprise envisage d’investir dans le développement de logiciels en proposant des sortes de programmes « clé sur porte », uniques et adaptés aux besoins du client. Pour percer dans ce secteur, la spin-off doit continuer à développer de nouveaux modèles, de nouvelles fonctionnalités, qui répondront à de nouvelles demandes.
« La recherche fait, bien entendu, intrinsèquement partie de la culture de notre entreprise. C’est le cas de toutes les spin-offs puisque elles sont le fruit de recherches universitaires. Et le fait de garder contact avec l’université nous permet de suivre plus aisément les avancées dans la problématique qui nous occupe. On peut alors enrichir notre technologie avec ces nouveautés scientifiques », assure le gérant de NOLISYS.