Pacifier la diplomatie mondiale et les relations internationales grâce à la science : quel scientifique (et quel politique) n’a jamais rêvé de cette noble idée ? Car il y a des précédents : le projet ITER a été conçu (avec succès) en 1985 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev pour sortir de l’interminable guerre froide du siècle passé. Plus récemment, le projet SESAME a jeté les bases d’un centre de rayonnement synchrotron au Moyen-Orient et rassemble autour de la table scientifique huit pays : Chypre, Égypte, Iran, Israël, Jordanie, Palestine, Pakistan et Turquie.
Et au-delà de ces exemples emblématiques, il reste sans doute l’essentiel : la science a depuis toujours suscité des collaborations internationales, sautant les frontières et se jouant des guerres qui séparent et divisent les nations, pour faire progresser la connaissance mondiale.
« Quelle diplomatie scientifique pour Horizon Europe ? » : tel était le titre de la conférence organisée le 19 juin dernier au Palais des Académies de Bruxelles par le CNRS, qui fêtera cette année ses 80 ans d’existence. En réalité, les discussions ont porté essentiellement sur la coopération scientifique internationale dans le contexte des programmes européens, à savoir Horizon 2020 et son successeur, Horizon Europe, qui couvrira la période 2021-2027. Mais de diplomatie scientifique, il n’en fut pratiquement pas question.
Horizon Europe : de nouvelles conditions
« La coopération internationale est un élément important des programmes-cadres européens », a rappelé Jean-Éric Paquet, Directeur-général de la recherche et de l’innovation à la Commission européenne. Une participation plus stratégique que numérique, car les pays tiers (non-européens) ne représentent que quelques 3% des organisations impliquées dans Horizon 2020.
Encouragée par le Parlement européen et le Conseil des Ministres, la Commission est en train de revoir les conditions de la coopération internationale qui s’appliqueront dans Horizon Europe. L’enjeu est de veiller à un juste retour pour l’Union européenne et d’éviter que des pays tiers puisent dans les ressources scientifiques de l’Europe sans contrepartie.
« Prenez l’exemple de la Chine », s’est insurgé Antoine Maynard, responsable du bureau du CNRS à Pékin : « Le MOST (Ministère chinois de la science et de la technologie) a mis en place un mécanisme très efficace, qui octroie automatiquement un financement aux équipes chinoises qui font partie d’un projet accepté au titre du programme-cadre par la Commission européenne. Mais l’inverse n’est pas vrai. »
Jean-Éric Paquet a reconnu que la Commission s’apprêtait à proposer le statut de « pays associé » à des pays non-européens (comme c’est déjà le cas avec Israël), qui auraient ainsi libre accès à certains programmes de Horizon Europe. Mais le montant de leur association serait réexaminé chaque année, en fonction des résultats.
Une 4ème place pour la Belgique
Les chiffres confirment l’ouverture et le rôle international de la Belgique dans les programmes européens. Sur l’intervalle 2014-2017, Horizon 2020 a financé plus de 7.500 projets collaboratifs impliquant 23.664 participants de 149 pays, qui ont créé plus de 1,5 million de liens. « Notre pays et Bruxelles en particulier sont, en effet, très bien positionnés comme acteurs du programme-cadre de l’Union européenne », explique Ji-Hyeon Kim Vanguers, coordinatrice du Point de contact national (NCP Brussels) pour Horizon 2020.
« Les chercheurs des secteurs académique, privé et public sont au courant des programmes et très bien connectés à la communauté internationale de la recherche. En termes macroscopiques, la Belgique est quatrième (sur les 28 Etats membres) dans une analyse de centralité (nombre de collaborations, NDLR) normalisée sur la taille de la population du pays, juste derrière la Finlande, la Slovénie et le Luxembourg. Et contrairement à ce que l’on imagine souvent, les grands pays ne sont pas nécessairement les plus centraux (une fois les chiffres rapportés à la taille du pays). »
Au-delà de l’Europe
Pour Cédric Blanpain, directeur du laboratoire des cellules souches et du cancer à l’ULB, la plupart des agences et fondations qui financent la recherche ont intégré le fait que la coopération internationale fait partie du quotidien du chercheur : « Dans le cadre de mes bourses ERC (European Research Council), j’ai engagé plusieurs post-doctorants non-Européens ».
Et Tania Van Loon, de NCP Brussels, d’ajouter : « Les communautés de chercheurs belges sont ouvertes à la collaboration. Ce qui les motive à collaborer avec des chercheurs de pays tiers est très variable et est fonction de leurs domaines de recherche, réseaux professionnels, intérêts, formation, historique personnel, etc. »
L’Europe est donc un acteur-clé, sinon le plus important, de la coopération scientifique internationale. Elle met en œuvre un cadre structuré, scientifique et diplomatique (la Commission a des conseillers scientifiques ayant rang de diplomates dans les grands pays tiers), pour répondre à des divers objectifs, politiques certes, mais avant tout stratégiques et/ou industriels.
Cela n’est pas négligeable : l’Union promeut explicitement les coopérations transnationales, avec pratiquement tous les pays du monde, et contribue ainsi à répondre aux défis pressants de ce siècle, comme la santé, le réchauffement climatique, l’énergie et l’alimentation.