Trois fois par semaine, depuis 50 ans, un gros ballon blanc s’élève au-dessus de Bruxelles pour gagner la stratosphère. Ce ballon-sonde de l’Institut Royal Météorologique (IRM) emporte une série d’instruments de mesure de l’atmosphère dont un est consacré à l’ozone, cette molécule composée exclusivement de trois atomes d’oxygène.
« C’est à la fin des années 1950 que les scientifiques ont commencé à s’intéresser aux éléments chimiques présents dans l’atmosphère et à comprendre le rôle important qu’ils y jouent », explique le Dr Daniel Gellens, directeur général de l’Institut Royal Météorologique. « Notamment de l’ozone, qui est un polluant au niveau du sol, mais qui, en altitude, protège les êtres vivants de notre planète des rayons ultraviolets provenant du Soleil ».
L’ozone, molécule amie et ennemie
L’ozone ne représente que 0,001% de l’atmosphère terrestre. À haute altitude (15 à 30 km), il protège la vie sur Terre en bloquant les rayons ultraviolets du Soleil. Plus bas, au niveau de la surface de la Terre, ce composé est nocif pour la santé. Formé par une combinaison de lumière solaire et d’un cocktail de gaz polluants, il peut entraîner des problèmes respiratoires chez les enfants ou les personnes sensibles.
La connaissance et l’évolution temporelle des concentrations d’ozone en fonction de l’altitude sont extrêmement importantes pour la vie sur Terre. Cela permet de mieux comprendre les processus de formation, de dégradation et de répartition de l’ozone dans l’atmosphère et à mieux évaluer l’efficacité des mesures à prendre.
Calibrage des instruments satellitaires
Les ballons-sondes de l’IRM prennent depuis 50 ans des mesures du « profil » de l’ozone. « Leurs instruments mesurent la concentration précise en ozone de l’atmosphère tout au long de leur ascension », précise Daniel Gellens. « Cela nous donne une bonne vision de sa répartition. Pour ce composé chimique, nous disposons d’une des plus longues séries de mesures au monde. Cela a une valeur scientifique, mais a aussi une application directe, pour les satellites par exemple. »
Ces sondages atmosphériques, comme on dit dans le jargon, sont essentiels pour assurer le suivi de la pollution. « On intègre ces données dans les modèles de prévision du temps chimique », indique M. Gellens.
Ils sont aussi cruciaux pour le calibrage des instruments scientifiques présents sur les satellites. Les ballons-sondes mesurent la présence et la concentration réelles des éléments chimiques dans l’atmosphère. Ces données permettent de calibrer et de valider les mesures faites depuis l’espace.
Certes, ces mesures sont plus globales que les mesures localisées. « Mais les données des satellites ne sont jamais que des mesures de bandes d’absorption et de rayonnements réfléchis par certains éléments présents dans l’atmosphère. Pour s’assurer que ces observations spatiales sont correctes, il faut pouvoir confronter leurs résultats à des mesures réalisées in situ. C’est là que les ballons-sondes présentent un bel intérêt », explique le scientifique. « Surtout que nos données sont homogènes ».
Des phénomènes globaux détectés localement
Les mesures locales de l’IRM permettent aussi de détecter différents phénomènes globaux. Par exemple, celui lié au problème du trou dans la couche d’ozone. « C’est surtout du côté du Pôle Sud et dans une moindre mesure du Pôle Nord que cet affaiblissement de la couche d’ozone stratosphérique a été observé », rappelle M. Gellens.
Toutefois, « au-dessus de la Belgique également, nous avons pu observer une diminution de la concentration en ozone stratosphérique ». Une situation qui, depuis quelques années, semble se résorber. L’interdiction d’utiliser certains polluants destructeurs de la couche d’ozone (protocole de Montréal) commence à porter ses fruits.
Autre phénomène visible dans les séries de données de l’IRM : l’impact des quantités phénoménales de particules émises dans l’atmosphère lors de l’éruption du volcan Pinatubo, aux Philippines, en 1991. Certains des éléments chimiques expédiés dans l’atmosphère lors de l’éruption ont affaibli temporairement la couche d’ozone stratosphérique. Cela se lit dans les données récoltées par l’IRM.