L’élévation du niveau de la mer revue à la hausse suite à la formation d’épaisses lentilles de glace au Groenland

19 septembre 2019
par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

La capacité de rétention du manteau neigeux de la calotte du Groenland est menacée par la formation de lentilles de glaces épaisses. Ce phénomène, qui tend à s’accentuer avec le réchauffement climatique, pourrait entraîner une hausse du niveau des mers plus rapide que ce que les modèles climatiques prévoyaient jusqu’ici. Cette découverte vient d’être faite par une équipe internationale de chercheurs, dont Xavier Fettweis, chercheur qualifié FNRS à l’ULiège.

Le manteau neigeux du Groenland est une mosaïque complexe de textures gelées composée de lacs d’eau de fonte qui parsèment sa surface, de neige qui tombe chaque hiver et de vieille neige compactée qui se comprime lentement en glace. Ces dernières années, il s’est peu à peu transformé en lentilles de glace imperméables. Celles-ci empêchent les eaux de fonte (50 % d’entre elles étaient jusqu’alors retenues par le manteau neigeux) d’être emprisonnées dans le manteau neigeux et favorisent ainsi leur déversement vers l’océan. Ce mécanisme pourrait accélérer la hausse du niveau des mers.

Des lentilles de glace jusqu’à 640 fois plus grosses

Habituellement, sur la plus grande partie du Groenland, la neige ne fond que partiellement chaque été et se transforme par la suite en minces disques de glace, également appelés lentilles. Epaisses de 2,5cm à 5cm, elles sont enchâssées dans la neige compactée.

“Normalement, l’eau de fonte peut s’infiltrer vers le bas et autour des lentilles de glace ; puis se recongeler au même endroit en hiver sans s’écouler vers la mer, et ainsi ne pas contribuer à une hausse du niveau des mers , explique Michaël MacFerrin, chercheur à l’Université américaine de Boulder, qui a dirigé l’étude.

« Mais à mesure que la fonte en Arctique  devient plus fréquente et s’intensifie, ces délicates couches de glace se dilatent et se solidifient en “plaques” de 1 à 16 mètres d’épaisseur, créant une coque imperméable juste sous la surface.”

L’eau de fonte, qui ne peut plus s’infiltrer dans le manteau neigeux, s’écoule alors le long de ces lentilles de glace pour se déverser directement dans l’océan. Ce phénomène risque d’accentuer la hausse du niveau des mers.

D’ici 2100, plus 7 cm par rapport aux projections du GIEC

Afin de le comprendre, l’équipe de recherche a soumis les données récoltées à différents modèles climatiques, dont le modèle régional du climat MAR, développé au Laboratoire de climatologie de l’ULiège.

«  Via notre modèle, nous avons tenté de comprendre comment les lentilles de glace se sont étendues au cours des dernières décennies. Et ce, afin de tenter de prédire comment elles pourraient continuer à croître et amplifier la fonte de la calotte », explique Xavier Fettweis, directeur du Laboratoire de climatologie et de topoclimatologie au sein de l’Unité de recherches SPHERES (ULiège).

En diminuant la capacité de rétention des eaux de fonte de la calotte, ces lentilles de glace pourraient augmenter la hausse du niveau des mers de plus de 7 cm d’ici 2100 par rapport aux projections du GIEC, lequel prévoit une contribution du Groenland de 20 cm dans le pire des scénarios.

« Il est fort à croire que d’ici 2100, alors que les températures enregistrées sur le globe continueront de grimper et que ces plaques de glace s’épaissiront, la zone de ruissellement pourrait s’agrandir d’un facteur 10, accélérant la hausse du niveau des mers », conclut Xavier Fettweis.

Les épisodes de fonte sont de plus en plus fréquents au Groenland

En juillet 2012, la neige et la glace avaient fondu sur 97% de la surface de la calotte glaciaire groenlandaise. Un tel événement n’avait plus été observé depuis 100 ans. C’est à cette époque, en effectuant des échantillonnages lors d’une expédition, que les auteurs de l’étude ont découvert fortuitement de grandes sections de lentilles de glaces dans les carottes glacées au lieu de petites lentilles minces comme cela était observé chaque été.

Fin juillet 2019, la masse d’air responsable de la canicule en Belgique a atteint le Groenland. En un jour, le 1er août, la calotte a perdu environ 13 Giga tonnes (13.000.000.000.000kg) d’eau. Intégrée sur tout l’été, l’anomalie de fonte en surface représente 350 Giga tonnes (350.000.000.000.000 kg). Du jamais vu.

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