Réparer une artère malade en lui implantant un dispositif mécanique qui disparaît de lui-même quand les choses vont mieux: les spécialistes du cœur en rêvent. À Bruxelles, au service de cardiologie de l’hôpital Saint-Pierre, le Dr Quentin de Hemptinne y travaille intensivement.
« Nous menons, depuis le mois de février dernier, une recherche sur l’utilisation d’un nouveau type de stent résorbable », explique le médecin formé à l’ULB. « Il s’agit d’un stent de seconde génération que nous souhaitons utiliser chez des patients jeunes (moins de 50 ans) et en situation d’urgence, quand ils viennent de faire un infarctus ».
Un stent est un petit dispositif médical placé dans une artère bouchée par un caillot ou dont le diamètre est réduit à cause d’une plaque qui se développe sur les parois du vaisseau. Introduit dans l’artère, ce dispositif permet de dilater le vaisseau et de lui rendre un profil optimal.
« Ce genre de dispositif est classiquement placé à vie chez un patient. Ce qui ne va pas sans entraîner parfois des complications avec le temps. Ce corps étranger dans l’organisme peut être source d’infection ou être à l’origine de la formation d’un nouveau caillot. D’où les espoirs placés dans les stents résorbables: des dispositifs qui disparaissent d’eux-mêmes, une fois le travail effectué. »
Du métal plutôt que du plastique
« J’avais commencé à m’intéresser à ce type de stents lors de mon séjour de deux ans à l’Institut de cardiologie de Montréal, au Canada », précise le spécialiste bruxellois. « À l’époque, le sujet était encore assez neuf. Nous travaillions sur des stents résorbables de première génération, fabriqués en polymères ».
Depuis son retour en Belgique, il y a trois ans, le Dr de Hemptinne a continué ses recherches sur ce type de dispositifs. « À la différence que cette fois, nous nous intéressons aux stents de seconde génération, des stents résorbables de nature métallique. Ils sont fabriqués au départ d’un alliage en magnésium et sont disponibles depuis 2016.
Au CHU Saint-Pierre, où il est spécialisé en cardiologie interventionnelle, Quentin de Hemptinne vient donc de lancer une vaste recherche clinique sur l’utilisation de ces stents résorbables de seconde génération.
« Idéalement, nous espérons recruter des patients de moins de 50 ans qui font un infarctus du myocarde », précise le spécialiste. « C’est-à-dire ceux qui sont susceptibles de vivre longtemps après le placement d’un stent. Dans l’étude multicentrique que nous avons lancée, et comprenant une dizaine d’hôpitaux, nous souhaitons recruter jusqu’à une centaine de patients. En utilisant chez eux le stent résorbable, nous espérons limiter les complications ultérieures potentielles comme des réactions inflammatoires ou des thromboses tardives ».
Une première génération décevante
À ce propos, la première génération de stents résorbable n’a pas tenu ses promesses. « Au contraire il a même entraîné certains événements indésirables du type thrombose », précise le médecin. « Les premières études avec le stent de seconde génération livrent, par contre, de bons résultats. Du moins sur des patients ciblés, avec des lésions coronaires faciles à traiter ».
La spécificité de la nouvelle étude consiste à utiliser ce nouveau stent dans une situation clinique d’urgence absolue: l’infarctus. « Il survient quand brusquement une artère coronaire se bouche, à cause d’un caillot de sang. Il faut alors la déboucher le plus rapidement possible, au risque sinon de voir mourir le muscle cardiaque », explique le médecin.
« Dans le cadre de l’infarctus du myocarde, nous avons affaire à des rétrécissements artériels assez mous. Ils résultent du déchirement d’une plaque de cholestérol qui va former un caillot. De plus en plus, cela affecte des patients jeunes, de moins de 50 ans, généralement en bonne santé, mais qui présentent divers facteurs de risque bien connus pour la santé cardiovasculaire: tabagisme, hypercholestérolémie, sédentarité, diabète… »
Premier essai encourageant
« Nous avons déjà mené un premier essai clinique très limité dans ce cadre. Et ses résultats sont encourageants. Nous venons donc d’initier, depuis le début de cette année, un deuxième essai clinique multicentrique plus ambitieux, dans toute la Belgique, impliquant une dizaine d’hôpitaux. Nous espérons pouvoir traiter une centaine de patients. »
Parallèlement à cette étude clinique, une autre recherche, plus fondamentale, et soutenue par le Fonds pour la chirurgie cardiaque, a également été lancée.
Cette étude porte sur les caractéristiques intrinsèques de l’alliage de magnésium qui est utilisé dans le stent de seconde génération. Selon les premiers résultats, il semblerait que cet alliage ait des propriétés anti-thrombopéniques. Il diminuerait le risque de formation de caillots de sang. « Enfin, nous allons également tester, avec la collaboration du laboratoire de médecine expérimentale du CHU de Charleroi, les propriétés de cet alliage en matière de coagulation », dit encore le Dr de Hemptinne.
Une étude à long terme
« Notre étude n’est pas une étude comparative », dit-il encore en guise de conclusion. « Notre espoir est de confirmer que l’utilisation de ce type de stent est intéressant pour traiter l’infarctus. Du moins qu’il ne pose pas de problème de sécurité et que les patients évoluent bien ».
« Si nos résultats sont favorables, cela montrerait qu’il serait alors judicieux de lancer une étude comparative entre les stents conventionnels (permanents) et les stents résorbables. Et ce, afin de déterminer s’il y a un bénéfice de l’un par rapport à l’autre pour la santé du patient. Bien entendu, ce sont des bénéfices qui vont se mesurer à long terme. Ces résultats ne se verront donc pas immédiatement… »