Il s’agit d’une première. Une lueur verte a été observée dans l’atmosphère de la planète Mars à environ 80 km d’altitude. Cette détection a été faite par l’instrument NOMAD. Développé à l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique (IASB), celui-ci est actuellement en orbite autour de Mars à bord du satellite ExoMars Trace Gas Orbiter de l’ESA.
Cette émission de lumière n’avait jamais été observée dans des atmosphères planétaires autres que celle de la Terre. Elle résulte de l’interaction entre le rayonnement solaire et le dioxyde de carbone, le principal constituant de l’atmosphère de Mars.
Aurores boréales
Lorsque la lumière du Soleil interagit avec les atomes et les molécules de l’atmosphère, les atmosphères planétaires brillent de jour comme de nuit. C’est un phénomène communément appelé « airglow » (lueur de l’air).
L’une des émissions les plus brillantes sur Terre provient de la lueur nocturne (ou « nightglow »). Elle résulte de la recombinaison de molécules brisées par le rayonnement solaire pendant la journée. Lorsque les atomes ou les molécules excités reviennent à leur état initial non excité pendant la nuit, de la lumière est émise à une longueur d’onde de 557,7 nanomètres. Il s’agit d’un rayonnement vert émis dans la région spectrale où nos yeux sont les plus sensibles. Ce sont les aurores boréales.
Une lueur diurne invisible à l’oeil nu
Quant au phénomène dénommé « dayglow », ou lueur du jour, il se produit lorsque le rayonnement solaire interagit directement avec l’atmosphère sur la partie ensoleillée de la planète.
Les atomes et les molécules (tels que l’azote et l’oxygène) de l’atmosphère absorbent une partie de la lumière solaire. Cela les excite temporairement jusqu’à ce qu’ils libèrent cette énergie supplémentaire sous forme de lumière : soit à la même fréquence (couleur) que la lumière absorbée, soit à une fréquence inférieure.
« Cette émission est beaucoup plus faible que la lumière diffusée par le Soleil, de sorte que nous ne pouvons pas la voir à l’œil nu », précise-t-on à l’IASB.
Observation de la raie verte sur Mars
Jusqu’alors, la lueur du jour verte n’avait jamais été observée dans l’atmosphère d’une planète autre que la Terre. Soit parce que leur surface est trop brillante par rapport à l’émission de lumière atmosphérique. Soit parce que les missions précédentes vers les planètes n’étaient pas équipées d’instruments sensibles à la lumière visible et ultraviolette.
Pour parvenir à observer le dayglow sur Mars, l’équipe NOMAD de l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique et de l’Université de Liège a réorienté le canal Ultraviolet et Visible (UVIS) de l’instrument : de son orientation typique au nadir (en regardant directement la surface martienne) vers le limbe ensoleillé (le « bord » de Mars).
« Entre le 24 avril et le 1er décembre 2019, l’UVIS a scanné des altitudes allant de 20 à 400 km de la surface martienne, deux fois par orbite. Dans chacune de ces observations au « limbe », l’instrument a détecté des signaux d’une luminosité frappante, à une longueur d’onde de 557,7 nanomètres (Figure 2, à droite), ce qui démontre l’omniprésence du dayglow vert », explique-t-on à l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique.
« Le pic d’altitude principal était situé à près de 80 km, et son intensité variait en fonction de la distance entre Mars et le Soleil, de l’heure locale et de la latitude des observations. Un deuxième pic d’émission a été observé à près de 120 km (Figure 2, à gauche). »
Observation simultanée de deux raies de l’oxygène dans le visible et l’ultraviolet
Une autre émission plus faible de dayglow d’oxygène a également été observée à 297,2 nanomètres dans le proche ultraviolet (Figure 2, à droite).
« Une telle mesure simultanée de deux raies de l’oxygène dans le spectre visible et ultraviolet est tout à fait unique. Elle a permis de déduire directement un rapport de 16,5 entre les intensités des émissions visibles et UV, ce qui est difficile même en laboratoire sur la Terre », précise-t-on à l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique.
« Cela clarifie une controverse de longue date entre les calculs discordants de la mécanique quantique et les mesures atmosphériques sur Terre. »
Un modèle photochimique liégeois
« Un modèle photochimique, développé à l’Université de Liège, a été utilisé pour mieux comprendre cette lueur verte sur Mars, et pour la comparer à ce que nous voyons autour de notre propre planète. »
« Il a permis de reproduire l’altitude et la luminosité de la couche d’airglow. Il a en outre indiqué que la lueur verte sur Mars est principalement produite lorsque le principal gaz de l’atmosphère de la planète rouge, les molécules de dioxyde de carbone (CO2), est décomposé en ses parties constitutives (l’oxygène (O) et le monoxyde de carbone (CO)) par la lumière solaire ultraviolette lointaine. Les atomes d’oxygène qui en résultent brillent dans le visible et l’ultraviolet. »
« Notre résultat est en accord avec les modèles de la physique atomique, mais contredit les observations antérieures faites sur l’airglow et les aurores boréales de la Terre. Le rapport d’émission de 16,5 trouvé dans cette étude sera considéré comme une norme pour les mesures reliant les régions spectrales de l’ultraviolet au visible. Ce résultat a des conséquences pour l’étude des processus auroraux et d’airglow et pour l’étalonnage spectral des instruments optiques », conclut l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique.