Avec 901 médecins dermatologues en Belgique, les délais pour obtenir un rendez-vous sont considérables. Retardant le dépistage d’éventuels cas graves, comme des cancers cutanés. Pour le Dr Thomas Damsin, assistant en dermatologie au CHU de Liège, la solution serait de collaborer davantage avec les médecins généralistes afin d’effectuer un premier tri. Et ainsi de détecter rapidement les cas les plus urgents.
« TeleSPOT » (Teledermoscopy Smartphone-based Pigmented lesion diagnosis Online Taskforce) est né en 2019 suite à cette réflexion. Développé par le Dr Damsin – encadré du Pr Arjen Nikkels, chef du service de dermatologie du CHU de Liège –, cet outil inédit d’aide au diagnostic à distance est actuellement en période test.
40.000 nouveaux cas chaque année
Pour rappel, le cancer de peau reste l’un des cancers les plus courants à travers le monde, dont l’incidence est en hausse en Belgique. La forme la plus grave, le mélanome représente ainsi le 5e cancer le plus fréquent.
« Il est le cancer cutané le plus agressif en raison de son haut potentiel métastatique. C’est-à-dire que le cancer se propage rapidement aux autres organes du corps, et se généralise. Il a longtemps été considéré comme très dangereux, car résistant aux traitements de chimiothérapie. Aussi, quand il était détecté à un stade avancé, nous ne disposions d’aucun moyen pour sauver le patient. Aujourd’hui, grâce à l’immunothérapie et la thérapie ciblée, on le soigne mieux. Un dépistage et une prise en charge précoces augmentent significativement les chances de guérison», insiste le Dr Damsin.
Pour le dermatologue, travailler de concert avec les médecins de première ligne, à savoir les généralistes, est une stratégie pertinente pour déceler systématiquement, et plus rapidement, les cas sérieux.
Un dermatoscope 2.0 au service des généralistes
« En collaboration avec plusieurs généralistes, nous avons conçu un outil spécifique leur permettant d’examiner directement chez leurs patients des lésions suspectes, et de les diagnostiquer à distance. Il prend la forme d’un dermatoscope à connecter à un smartphone », explique le responsable du projet TeleSPOT.
Un dermatoscope est non-invasif. Il se compose d’une lentille grossissante, et de filtres polarisants destinés à évaluer la façon dont la mélanine s’organise dans la peau.
« En le connectant à un smartphone, les praticiens peuvent faire des photos très précises des grains de beauté suspects, et nous les envoyer sur une plateforme dédiée au CHU de Liège. Nous analysons les lésions photographiées, et informons le généraliste et son patient du caractère urgent, ou non et de la prise en charge », développe encore le Dr Damsin.
Ce système est actuellement en place dans trois maisons médicales liégeoises. Il a déjà permis d’échanger une centaine d’images de lésions soupçonnées de malignité. « Grâce à cette collaboration, nous avons été en mesure de détecter plusieurs cancers cutanés de façon anticipée. Dont un mélanome chez une patiente d’une vingtaine d’années. Ce qui est assez rare. Il apparaît certain que, sans cette procédure, cette patiente n’aurait pas été prise en charge aussi tôt », assure le dermatologue.
En parallèle, cette méthode de dépistage a l’avantage de rapidement tranquilliser les personnes dont les lésions cutanées sont bénignes.
Médecine et technologie, une association gagnante
Cette collaboration à distance entre médecins dermatologues et généralistes est une première en Belgique. À terme, les partenaires du projet TeleSPOT espèrent voir leur idée se généraliser. Des solutions similaires sont d’ailleurs déjà mises en place dans d’autres pays. Notamment ceux où l’accès à un spécialiste est rendu compliqué par les distances, comme aux États-Unis ou au Canada.
« Chez nous, la téléconsultation est moins développée. Mais l’évolution des moyens et habitudes de communication l’amènera à être davantage pratiquée dans le futur. À côté, les technologies médicales basées sur l’intelligence artificielle progressent rapidement, et promettent déjà d’améliorer significativement la prise en charge du patient. En termes de performance de diagnostic, les algorithmes font déjà mieux que les humains dans la détection des cancers cutanés. Ces nouvelles technologies représentent ainsi des outils intéressants pour la médecine de demain », conclut le Dr Damsin.