Série (4/5): La recherche en mode BW (Brésil-Wallonie)
Utiliser la lumière pour mieux « voir », cela semble être une évidence. Pour Fabian Dortu, du groupe de biophotonique du Centre de recherche agréé Multitel, à Mons, cet exercice prend un tout autre sens.
« Nous développons effectivement des capteurs qui utilisent la lumière comme principe de base. Mais ces capteurs ne regardent pas nécessairement la même chose que nos yeux. Ils peuvent, par exemple, servir à différentes applications, comme la surveillance de la pollution de l’air, de celle du sol ou encore de l’eau », explique-t-il.
« Nos capteurs fonctionnent sur des principes antigéniques. Un peu comme les tests sérologiques utilisés actuellement dans le cadre de la pandémie. Ils détectent la présence d’un antigène qui signe la présence de l’un ou l’autre composé que l’on souhaite identifier ».
Détection optique de molécules biologiques
La photonique appliquée développée par Multitel se met donc au service de la biologie, de l’environnement, de la médecine. « Nous détectons à chaque fois une molécule biologique, mais c’est lié à un support physique. Un support qui est interrogé de façon optique », insiste-t-il.
« Développer ces machines pour assurer le suivi de la pollution environnementale est quelque chose qui nous intéresse dans le cadre de nos collaborations avec le Brésil. Ce genre de conscience et de préoccupations sont de plus en plus importantes dans cet immense pays », précise-t-il, alors qu’il participait précisément en début d’année à une mission exploratoire au Brésil, organisée par le service « Recherche » de Wallonie-Bruxelles International, l’agence en charge des relations internationales de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Suivi de production en bioréacteurs
« Une autre application de notre technologie concerne le contrôle des procédés qui se déroulent dans les bioréacteurs. Ceci peut être intéressant pour le traitement de la biomasse ou pour l’industrie pharmaceutique. L’idée est de pouvoir mesurer en temps réel les molécules qui sont produites dans de tels réacteurs et leur concentration. Tout cela permet de caractériser la qualité de ce qui est produit, mais aussi d’augmenter, de manière parfaitement contrôlée, le débit de production. Quand on travaille avec des bioréacteurs, la moindre déviation dans le procédé peut faire perdre l’ensemble de la production, l’ensemble du lot. Il est donc critique de contrôler ce qui se passe ».
« Les tests de diagnostic rapide de pathogènes font également l’objet de développement chez nous. Ils sont aussi basés sur le même genre de technologie photonique. Nous développons dans ce cadre une collaboration avec une société montoise dans le cadre de la détection de maladies auto-immunes. L’idée est de remplacer les tests classiques qui se font aujourd’hui avec des tigettes par des tests photoniques. Cette évolution technique permet des tests plus précis et plus rapides: plusieurs tâches peuvent être réalisées en parallèle ».
La fermentation des fèves de cacao dans le viseur
Fabian Dortu cite volontiers un exemple de recherche déjà menée au Brésil.
Outre les capteurs qui sont basés sur des structures photoniques résonantes, Multitel travaille aussi sur de la spectroscopie optique térahertz. Les ondes térahertz (THz) se situent entre les micro-ondes et l’infrarouge. Elles présentent comme attrait le fait de ne pas être absorbées par certaines molécules ou matériaux. Elles permettent d’étudier certains composants de manière non-invasive et non destructrice.
« Nous avons des collaborations dans ce domaine avec le Brésil via le CRAW, le Centre wallon de recherche en agronomie. »
Le Craw développe lui-même une recherche avec l’université du Parà (UFPA), un état amazonien du nord du Brésil. Et plus particulièrement avec son « Centre for valorisation of amazonian bioactive compounds ».
« Le but est de pouvoir détecter le niveau de fermentation des fèves de cacao grâce à la technologie térahertz. La qualité de cette fermentation donnera ensuite de meilleures qualités au chocolat. Nous réalisons donc des études de spectroscopie térahertz d’échantillons de fèves venues du Brésil ».
La valeur ajoutée d’une collaboration de qualité
« D’un point de vue plus technologique, nous entretenons aussi des relations avec les chercheurs de l’Université de Campinas concernant diverses applications potentielles de nos technologies pour le secteur agroalimentaire. Un autre domaine d’application concerne l’aéronautique, un secteur industriel développé au Brésil. L’usage de capteurs en fibres optiques s’avère intéressant pour l’analyse des contraintes sur les structures ou encore pour la mesure de la température ».
« Bien sûr, nous savons que des solutions adaptées peuvent également être développées sur place. Mais ce qui compte dans les partenariats que nous développons au Brésil, notamment grâce à l’aide de Wallonie-Bruxelles International et de son agent de liaison scientifique (ALS) sur place, c’est de développer un cadre de collaboration de qualité. C’est cela qui fait la différence et qui est bénéfique à chaque partenaire. Et pour Multitel, ce genre de collaboration internationale permet aussi de faire connaître nos atouts parfois bien loin des frontières de la Wallonie ».