La physique quantique perd de ses mystères

8 février 2021
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes

La physique quantique est entourée de mystères. Développée à la fin des années 1920, elle est omniprésente dans les ordinateurs, les téléphones portables. La cryptographie et la téléportation d’informations s’appuient sur elle. La théorie quantique explique la stabilité des atomes, des électrons, des étoiles. Elle est au fondement de la physique des particules élémentaires. De la physique de l’état solide, de la chimie, de la biologie.

“Comprendre la physique quantique”, par Jean Bricmont. Editions Odile Jacob. VP 24,90 euros, VN 19,99 euros

Jean Bricmont détaille les raisons de ces mystères dans «Comprendre la physique quantique» aux éditions Odile Jacob. Le physicien épingle le caractère parfois paradoxal de la théorie quantique. Pas pour donner des réponses définitives. Mais pour ouvrir l’esprit. Aller au-delà du savoir enseigné ou écrit dans des ouvrages de vulgarisation. Le professeur émérite à l’UCLouvain a publié des passages techniques gratuits sur Internet pour alléger la lecture de son livre.

Spéculations et mystifications

«Bien que ce livre appartienne à la catégorie vulgarisation scientifique, son but est plus culturel que scientifique au sens strict», précise le membre de la Classe des sciences de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. «Nous expliquerons au lecteur les fondements de la théorie quantique. Il existe des points de vue différents du mien. Et je vais en citer plusieurs afin que le lecteur puisse décider de l’approche qui lui semble la plus plausible.»

Les succès des applications et des prédictions de la physique quantique ont entraîné spéculations et mystifications. Comme l’existence de Dieu, du libre-arbitre, de l’influence directe de l’esprit sur la matière.

Les prix Nobel de physique Niels Bohr, en 1922, et Werner Heisenberg, en 1932, ont soutenu qu’après la physique quantique, la physique ne s’occupe plus de la réalité. Mais seulement de la connaissance que nous en avons. Richard Feynman, Nobel de physique en 1965, affirmait que «personne ne comprend la physique quantique».

Jean Bricmont regrette qu’on interprète souvent la célèbre expérience de Schrödinger, Nobel de physique en 1933. Avec le chat à la fois vivant et mort tant qu’on n’ouvre pas la boîte pour le voir. «Exemple conçu pour être une réduction à l’absurde de l’idée que la physique quantique fournit une description complète des systèmes physiques», explique le chercheur.

Être à deux endroits à la fois

Premier mystère, les physiciens déclarent souvent que les objets quantiques peuvent se trouver à deux endroits à la fois. Conséquence d’une superposition d’états aux propriétés différentes et incompatibles entre elles. Des personnes, qui croient à la télépathie ou à une intervention directe de la conscience sur la matière, disent que ces effets ne sont pas si miraculeux que cela…

«Réfuter cette affirmation est facile et ne dépend pas de la compréhension de la physique quantique», rétorque le Pr Bricmont. «C’est la même chose avec la non-localité, le deuxième mystère quantique. Bien qu’elle soit une véritable forme d’action à distance, elle ne permet à personne d’envoyer des messages plus vite que la vitesse de la lumière. Cela réfute donc toutes les affirmations selon lesquelles la non-localité quantique pourrait rendre la télépathie plus plausible qu’elle ne l’était avant l’avènement de la physique quantique.»

Dans les années 1970, l’animateur de télévision israélienne Uri Geller, star des phénomènes parapsychologiques, prétendait pouvoir tordre des cuillères à distance… «Comme l’observation n’a jamais été reproduite dans des expériences contrôlées, cette histoire est maintenant considérée comme un exemple classique de crédulité. Mentionnons au passage qu’Uri Geller a réussi à persuader la Nasa et la CIA de financer ses recherches.»

Des prédictions d’une précision remarquable

La révolution quantique a aussi suscité des réactions en art, philosophie, politique, sciences sociales. L’association entre politique et théorie quantique existait du côté occidental dans la période qui suivit la Seconde Guerre mondiale. Catholiques et musulmans discutent de l’interaction entre physique quantique, religions, superstitions. Des chercheurs ont tenté de trouver des extensions ou des extrapolations en sciences humaines. Ces abus, parfois encouragés par des physiciens célèbres, sont illégitimes pour Jean Bricmont.

«La physique quantique standard prédit les résultats de toutes sortes de mesures avec une précision remarquable», souligne le physicien. «Mais on ne peut pas la comprendre comme une théorie portant sur ce qui se passe en dehors des laboratoires. C’est pourquoi l’observateur ou les observations jouent un rôle central dans cette théorie. On peut utiliser des expériences dont les résultats sont prédits pour montrer, indirectement, qu’il existe des effets non-locaux dans le monde.»

 

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