Bioplastiques. De prime abord, ce vocable fleure bon la nature. Et pourtant, ces matériaux ne sont pas toujours biodégradables, ni fabriqués au départ de matières renouvelables. Aurore Richel, professeure ordinaire en chimie des ressources renouvelables (ULiège), a fait le point sur ces matériaux difficiles à cerner, lors d’une rencontre virtuelle organisée par Liège Créative.
Des bioplastiques issus du … pétrole
Leur définition officielle est très tendancieuse : un bioplastique fait référence à une matière plastique qui peut être moulée (donc chauffée), et qui peut être composée, en tout ou en partie, de matières premières issues de ressources renouvelables et/ou qui peuvent être biodégradables ou compostables.
Concrètement, il existe trois types de bioplastiques. Ceux produits au départ de pétrole, mais biodégradables, du moins si leur fin de vie est gérée correctement. Et ceux issus de matières renouvelables, principalement des ressources végétales, et qui peuvent soit être biodégradables, soit ne pas l’être du tout.
Les bioplastiques représentent 3 % de la production européenne de plastique. Soit 2,1 millions de tonnes par an. « Une moitié est biodégradable. L’autre moitié, qui représente une partie importante du packaging alimentaire et non-alimentaire, n’est pas du tout biodégradable. Et a donc la même fin de vie que les matériaux de la filière fossile traditionnelle », précise la Pre Richel.
Les chercheurs sont sur le pont
Pour améliorer la situation, des chercheurs développent des bioplastiques biodégradables à base d’amidon (matière retrouvée dans les graines de céréales et dans certains sous-produits céréaliers) ou de cellulose (matière végétale fibreuse, très résistante).
« Des efforts de recherche, menés en Wallonie et notamment à l’UMons, visent, quant à eux, à contrôler finement la polymérisation de l’acide lactique. Et ce, afin de donner naissance à un polymère doté de propriétés fonctionnelles lui permettant de cibler des applications innovantes, notamment dans l’impression 3D. Mais pour créer cette molécule de haute qualité, il faut passer par un intermédiaire réactionnel dénommé lactide. Cette étape de synthèse supplémentaire fait de facto gonfler le prix du matériau mis sur le marché », poursuit la directrice du Laboratoire de Biomasse et Technologies Vertes de l’Université de Liège (Campus de Gembloux Agro-Bio Tech).
Plus chers, mais à quoi bon ?
De manière générale, les bioplastiques sont plus chers que leurs analogues pétrochimiques pour une fonction donnée tout en ne garantissant pas d’être biodégradables. « Les molécules « drop-in » constituent une matière bioplastique en tout point égale aux matières produites par les filières pétrochimiques conventionnelles. L’exemple le plus commun est le bio-polyéthylène qui est produit par déshydratation du bioéthanol, la molécule ajoutée dans les carburants de roulage traditionnels. Ce bio-polyéthylène n’est pas biodégradable et a le même impact environnemental que les matériaux fossiles traditionnels. Mais comme il nécessite de nombreuses étapes réactionnelles supplémentaires, et donc des réacteurs supplémentaires, il est plus cher. »
Un autre exemple de bioplastique non-biodégradable est le PEF (polyéthylène furanoate). Soit le matériau mis en exergue comme alternative au PET (polyéthylène téréphtalate) pour la production des emballages alimentaires. « Coca-Cola, Heinz, Danone, Nestlé sont en train d’investiguer cette voie de synthèse en partenariat avec des usines comme BASF, qui a un site à Anvers où le PEF est manufacturé. Persistant dans l’environnement, ce PEF peut être produit au départ de matières renouvelables moyennant une séquence d’opérations de transformation. Ses coûts de production sont donc plus importants que ceux du PET issu des ressources fossiles traditionnelles », explique la Pre Richel.
Bénéfices environnementaux incertains
Un bioplastique n’est jamais livré tel sorti de la chaîne de production pour un usage donné. Des additifs, issus de la filière pétrochimique, lui donnent une couleur, une résistance aux chocs, sans que cela contrevienne à la législation sur les bioplastiques. « Dans ce cas, l’avantage environnemental peut être discuté : est-ce vraiment pertinent de fabriquer un bioplastique au départ de ressources renouvelables, si c’est pour, ensuite, le doper avec des molécules qui proviennent de ressources fossiles ? »
« Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue la consommation en eau : la production d’une seule bouteille en PEF (issu de ressources renouvelables) nécessite entre 150 et 489 litres d’eau ! », pointe la Pre Aurore Richel.
Le tri des déchets se complexifie
Fin 2020, une étude a évalué la perception qu’a le grand public des bioplastiques. « Généralement, quand on leur dit qu’ils ont entre les mains un plastique pétrochimique, les consommateurs ne sont pas satisfaits. Néanmoins, ils sont 89 % à maîtriser la fin de vie des produits issus des ressources fossiles, c’est-à-dire l’étape de tri pour le recyclage : on est conditionné à l’usage des sacs qui permettent à ces déchets de partir dans la bonne voie de recyclage. »
« Au contraire, les consommateurs sont plutôt contents de l’existence de bioplastiques issus de matériaux renouvelables. Toutefois, à peine 37 % savent comment gérer leur fin de vie. Beaucoup croient, à tort, que biodégradable est synonyme de compostable. Et, d’une manière naïve, mettent les bioplastiques sur leur compost ou dans la poubelle organique, dont le contenu sera envoyé dans une unité de biométhanisation. Il est crucial d’informer correctement le grand public et de se poser la question de l’acceptabilité par celui-ci des bioplastiques », conclut la Pre Aurore Richel.