Grâce à des techniques d’intelligence artificielle (IA), une équipe internationale de chercheurs, parmi lesquels des astronomes de l’ULiège, a découvert une douzaine de nouveaux quasars. La lumière de ces derniers est si fortement déviée par les galaxies d’avant-plan qu’ils sont visibles sous la forme de quatre images distinctes, ressemblant à des trèfles cosmiques à quatre feuilles. Ces joyaux célestes constituent des outils uniques pour mieux connaître la matière noire et le taux d’expansion de l’Univers.
Plisser l’espace-temps
Les résultats ont été obtenus en combinant des outils d’intelligence artificielle avec des données provenant de plusieurs télescopes terrestres et spatiaux. Notamment la mission Gaia de l’Agence spatiale européenne (ESA), le Wide-field Infrared Survey Explorer (WISE) de la NASA, l’observatoire W. M. Keck à Maunakea, à Hawaï, l’observatoire Palomar de Caltech, le New Technology Telescope de l’Observatoire européen austral au Chili et le télescope Gemini Sud au Chili.
L’idée que la gravité puisse amener des objets massifs comme les galaxies à plier le tissu de l’espace-temps, et donc à agir comme une lentille et à dévier la lumière provenant d’objets distants, avait déjà été prédite par Einstein en 1912. Mais la première image double d’un quasar à lentille n’a été découverte qu’en 1979, et la première image quadruple en 1985. Les trèfles cosmiques à quatre feuilles sont rares, et depuis 1985, seule une soixantaine a été découverte.
Les quasars à images multiples sont des outils uniques pour mesurer les paramètres cosmologiques fondamentaux tels que la constante de Hubble-Lemaître, c’est-à-dire le taux d’expansion actuel de l’Univers (dont la valeur est toujours contestée), ou la matière noire dans l’Univers.
En étant capable d’étudier le ciel avec une résolution spatiale sans précédent, le télescope européen Gaia change la donne dans la détection, complexe, de nouveaux trèfles cosmiques. Les 12 trèfles découverts augmentent de 20% le nombre de trèfles confirmés.
Le rôle actif des astronomes de l’ULiège
Les astronomes de l’Université de Liège Ludovic Delchambre, chercheur au Groupe d’astrophysique des hautes énergies de l’Unité de Recherches STAR, Dominique Sluse, collaborateur scientifique au sein du Département AGO (Astrophysics, Geophysics, Oceanography ) de l’ULiège et Jean Surdej, directeur de recherche honoraire du F.R.S.-FNRS et actuellement professeur visiteur à l’Université de Poznan (Pologne), font partie de l’équipe internationale qui annonce la découverte de ces nouveaux quasars multiples.
Leur intérêt pour ces mirages gravitationnels remonte au début des années 1980, quand de nombreux scientifiques doutaient encore de l’existence de ces phénomènes prédits dans le cadre de la relativité générale d’Einstein.
En 1987, le Professeur Jean Surdej a proposé que ces mirages soient facilement identifiables parmi les astres les plus lumineux de l’Univers, des quasars situés à environ 10 milliards d’années-lumière. Plusieurs exemples de mirages ont alors été découverts. Il a ensuite proposé, en 2002, de rechercher ces mirages cosmiques parmi le milliard d’astres qui seraient détectés au moyen de l’observatoire spatial européen Gaia.
Les nouveaux quasars d’Einstein découverts à l’aide d’intelligence artificielle témoignent de la pertinence de cette proposition. Les astronomes de l’ULiège ont très activement participé à la recherche de ces mirages, à leur modélisation ainsi qu’à la réduction et à l’analyse de spectres obtenus avec de grands télescopes terrestres.