Une belle aventure vient de se clôturer. Le micro-satellite belge PROBA-V a définitivement fermé les yeux le 31 octobre 2021. Cette date marque la fin d’un programme que notre pays a largement soutenu et autour duquel il a forgé sa réputation en matière d’observation de la Terre. Grâce aux images satellitaires, l’équipe de Pierre Defourny, professeur de géomatique à l’UCLouvain, a pu réaliser la cartographie planétaire de l’occupation du sol à une résolution de 300 mètres, pour chaque année entre 1992 et 2020. Soit la plus longue série jamais réalisée au niveau mondial.
Le 30 juin 2020, après 7 ans de bons et loyaux services, PROBA-V avait atteint la fin de sa durée de vie opérationnelle. Il est l’un des derniers satellites européens dénués de propulsion à avoir été lancés. Cette caractéristique rend impossible toute correction de sa dérive orbitale. C’est ainsi que la qualité des données a progressivement chuté, jusqu’à ce que soit prise l’inévitable décision d’arrêter définitivement les opérations de l’instrument fin octobre 2021.
Un précieux bouche-trou
L’observation de l’occupation de la croûte terrestre a commencé en 1992 avec le lancement des satellites américains NOAA AVHRR, puis, en 1998, du premier instrument VEGETATION à bord du satellite français SPOT-4 (pour Système probatoire d’observation de la Terre). Quatre ans plus tard, son jumeau était lancé sur SPOT-5.
PROBA-V a été initié par la Belgique en tant que mission ‘gap-filler’, ou bouche-trou, entre ces missions américaines puis françaises et la récente mission Sentinel-3 de l’Agence spatiale européenne (ESA). Ce microsatellite noir-jaune-rouge a donc été mis en orbite en 2013 afin de garantir le prolongement de VEGETATION. Ce programme de suivi à grande échelle de l’occupation du sol de notre planète était une initiative commune de la Belgique, de la France, de l’Italie, de la Suède et de la Commission européenne.
Une longue série temporelle
Avec PROBA-V, ces missions successives ont donc permis de recueillir une série temporelle continue de 29 ans de données globales sur l’évolution, notamment, de la végétation à l’échelle de la planète.
Pierre Defourny est professeur ordinaire à l’UCLouvain et dirige le Laboratoire de Géomatique. Il se concentre sur la surveillance de la surface terrestre par télédétection à l’ échelle locale et globale. Son équipe produit chaque année une cartographie mondiale de l’occupation du sol avec une résolution de 300 mètres.
« Des cartographies mondiales annuelles de 1992 à 2020, c’est un jeu assez unique. On est les seuls au monde à avoir réalisé une série temporelle aussi longue », explique-t-il.
« Cela s’inscrit dans le cadre de Copernicus Climate Change Service. Ces cartographies sont initialement conçues à destination des climatologues. Et ce, afin qu’ils aient une description de l’évolution de la surface de la planète année après année. Cela leur permet de localiser les déforestations massives et les villes en forte croissance, mais aussi d’identifier quel glacier recule et l’ampleur de sa fonte», poursuit-il.
Des milliards d’images superposées
Pour réaliser les cartographies, chaque jour et sur l’ensemble des terres émergées, des images sont prélevées du satellite dédié au programme VEGETATION. De 2014 à 2019, il s’agissait de PROBA-V. Ensuite, le satellite européen Sentinel-3 a pris le relais.
« Ces images doivent, bien sûr, être traitées. La première étape consiste à retirer les nuages. Ensuite, les images sont combinées par saison. Et, enfin, des algorithmes – qui ne fonctionnent pas à proprement parler avec de l’intelligence artificielle , plutôt par apprentissage machine – nous aident à reconnaître les différentes occupations du sol. Ainsi, pour chacun des pixels, nous pouvons déterminer s’il s’agit d’une forêt, d’une ville, d’un désert, etc. » Et en comparant les cartographies des années précédentes, on peut détecter les changements.
Un usage planétaire
Les cartographies d’occupation du sol générées par l’UCLouvain sont utilisées, notamment, pour alimenter les modèles climatiques de référence du GIEC et par l’ONU. En effet, sur base de ces cartographies, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ) propose des statistiques d’occupation du sol pour chaque pays du monde. De quoi avoir des données cohérentes à l’échelle de la planète.
« C’est dans le cadre de la Climate Change Initiative de l’ESA – dont l’objectif est de suivre une série de variables climatiques essentielles (ozone, température de surface, couvert végétal) et de mesurer leur évolution à l’aide d’images satellitaires – que nous avons développé une méthode qui est désormais devenue un service opérationnel. » Des cartographies mondiales de l’occupation du sol de cette année-ci et des prochaines suivantes sont donc prévues.