Construire et étudier de minuscules moteurs thermiques constitués d’une seule molécule afin d’améliorer l’efficacité des moteurs du futur. Tel est l’objectif ambitieux du projet MOUNTAIN (Molecular Quantum Heat Engines), dirigé par Pascal Gehring, chercheur qualifié FNRS et professeur à l’Ecole Polytechnique de l’UCLouvain. L’étude, soutenue par une bourse du Conseil européen de la Recherche (ERC Starting Grant), sera menée en collaboration avec l’Université d’Oxford et l’Université Heriot-Watt (Grande-Bretagne).
La thermoélectricité, une piste d’avenir
On retrouve les moteurs thermiques dans de nombreuses machines du quotidien, des moyens de transport (voiture, avion, bateau…) aux centrales électriques. Concrètement, ces moteurs produisent de la chaleur en brûlant du carburant. Cette chaleur est ensuite exploitée et transformée en énergie mécanique.
En raison de lois fondamentales, toute la chaleur fournie ne peut pas être récupérée mécaniquement. Valoriser cette chaleur perdue en la convertissant en électricité est le principe de la thermoélectricité. Un phénomène physique qui fait actuellement l’objet de nombreuses recherches.
« D’un point de vue technologique, la thermoélectricité pourrait jouer un rôle important dans les futures applications de récupération d’énergie. Il y a, en effet, beaucoup de processus dans le monde qui génèrent de la chaleur « gratuite » (le soleil, les processus industriels, les fermes de serveurs, les voitures, le corps humain…) qui pourrait être directement exploitée en électricité utile », indique Pascal Gehring, directeur du Gehring Lab.
Un moteur quantique à l’étude
Pour l’heure, la majorité des dispositifs thermoélectriques ne présentent pas un rendement très élevé. Néanmoins, des théories suggèrent qu’il est possible de l’améliorer en maîtrisant le courant thermoélectrique à travers des molécules uniques.
« En fabriquant des appareils électroniques très petits – dans mon cas, aussi petits qu’une seule molécule, donc d’une taille de seulement quelques atomes -, les effets de la mécanique quantique vont jouer un rôle prédominant dans leur comportement », précise le Pr Gehring. De fait, à l’échelle nanométrique, les objets n’obéissent plus aux lois de la physique de l’on connaît, mais bien aux lois quantiques. Aussi, « de nouvelles fonctionnalités peuvent être conçues, impossible à réaliser avec un appareil électrique classique. »
En 2021, l’équipe du Pr Gehring a développé une nouvelle méthode permettant d’étudier toutes les propriétés électriques et thermoélectriques dans une seule molécule. Au travers du projet MOUNTAIN, les chercheurs vont maintenant tenter de développer des moteurs thermiques de seulement quelques atomes (autrement dit, des moteurs thermiques quantiques), et ainsi tester leur comportement fondamental.
Repousser les limites de la physique
Les effets thermoélectriques dans les molécules seules ne sont étudiés que depuis une quinzaine d’années. « Les découvertes qu’amènera ce projet seront donc très importantes pour comprendre comment la chaleur et la charge électrique circulent à l’échelle nanométrique. Elles pourraient aussi nous aider à trouver des moyens radicalement nouveaux pour améliorer l’efficacité des moteurs du futur. »
Grâce à la bourse ERC, les chercheurs vont acquérir un outil quasi-unique en Wallonie : un réfrigérateur à dilution. Ce dernier permettra de réaliser des expériences à des températures extrêmement basses. « Puisque la plupart des effets quantiques ne peuvent être observés qu’à basse température, nous effectuons nos expériences dans des températures proches du zéro absolu (-273,15 °C) .»
Pour comprendre en profondeur les moteurs thermiques à l’échelle nanométrique, l’équipe mesurera également la quantité de chaleur qui les traverse. « C’est extrêmement difficile et cela fait partie des objectifs du projet », conclut le chercheur.