Le puff wallon fait sa révolution

12 avril 2022
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Administrer un médicament pour lutter contre l’une ou l’autre maladie respiratoire via un inhalateur n’est pas une technique récente. Tous les asthmatiques le savent. Toutefois, une spin-off de l’Université de Liège, Aquilon Pharma, entend bien jouer le trouble-fête dans ce contexte. « Pour améliorer sensiblement l’efficacité de ce mode d’administration de médicaments, nous travaillons, d’une part, sur une molécule de transport du médicament plus adaptée, et d’autre part, sur un système de puff lui aussi innovant », explique le pharmacien Paul Maes, patron de la jeune société. Son truc ? Miser sur une aérodynamique revisitée afin d’amener davantage de médicament à destination : près des cellules enflammées des poumons. Mais aussi utiliser comme vecteur une molécule quelque peu différente de celles utilisées classiquement.

« L’idée est née à l’Université de Liège », explique Paul Maes. « Il s’agissait d’utiliser un autre type de vecteur que le lactose pour le médicament. Nous travaillons sur une cyclodextrine, une molécule dotée d’un cycle à sept sucres. Elle se présente comme une sorte de donut au centre duquel nous plaçons le médicament utile pour traiter des problèmes respiratoires comme l’asthme ou la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Ainsi, une molécule active comme le Budésonide, un corticoïde utilisé pour lutter contre l’inflammation, est transportée à destination. »

Un transporteur plus efficace

L’avantage de ce véhicule par rapport aux méthodes plus classiques ? Les chiffres avancés par le scientifique parlent d’eux-mêmes. « Avec les méthodes classiques, le Budésonide se dépose essentiellement dans la gorge et la trachée (à 85 %). Seuls les 15 % restants du médicament arrivent dans les poumons, dont 6 % dans les bronches et 9 % dans les poumons périphériques. Avec la cyclodextrine, administrée avec le même type de puff, nous arrivons à amener 30 % du médicament dans les poumons périphériques. »

« Cela tient à la nature même de la cyclodextrine que nous utilisons », précise Paul Maes. « Le complexe moléculaire (cyclodextrine et Budésonide) se lie aux récepteurs lipidiques des cellules enflammées. C’est par là, par exemple, que le Covid entre dans les cellules pour les infecter. Avec une attaque virale, la structure de ces récepteurs devient de plus en plus tendue et se mue en une sorte de cholestérol. Voilà qui explique pourquoi les personnes qui ont trop de cholestérol sont des sujets plus à risque face à l’inflammation. Or, la cyclodextrine adore le cholestérol. Elle cible donc ces cellules, s’y lie, injecte le produit actif dans la cellule et repart avec le cholestérol. »

Des balles de golf qui profitent des turbulences de la respiration 

Voilà qui explique en partie l’efficacité du produit développé par Aquilon Pharma. Un second bénéfice vient d’un effet mécanique lié à la forme même du complexe moléculaire.

« Quand on assèche le complexe, il prend la forme d’une balle de golf », reprend Paul Maes. « Et tout joueur de golf le sait : une balle sphérique lisse va aller trois fois moins loin qu’une balle de golf munie de ses multiples reliefs. Ici, c’est la même chose. Quand on inspire le médicament emballé de la sorte dans notre cyclodextrine, il pénètre plus profondément dans les voies respiratoires, à la faveur des turbulences créées par la respiration. C’est un effet aérodynamique. Nous avons breveté le fait que ce n’est pas la composition du complexe qui amène la déposition du médicament, mais bien sa forme.»

Deux études en cours

La société a déjà mené une série d’études pharmacologiques concernant son complexe. C’est ainsi qu’elle a pu montrer sa plus grande efficacité.

Deux nouvelles études sont en route. La première, menée sur fonds propres et concernant une centaine de personnes, a été baptisée Sirocco. Elle concerne des patients atteints d’une forme grave du Covid (une autre attaque des voies respiratoires). Il s’agit de démontrer la plus grande efficacité des médicaments enrobés de cyclodextrine pour traiter les poumons périphériques.

La seconde étude, intitulée « Aerovid », financée par la Région wallonne à hauteur de 2,2 millions d’euros et pour 967.000 euros par Aquilon, vise à déterminer si d’autres pathologies pulmonaires pourraient être traitées plus efficacement avec le complexe en question. Y compris les classiques grippes hivernales. Les résultats devraient être connus d’ici 2025.

Entre-temps, Aquilon Pharma ne reste pas les bras croisés. Voici un bon mois, Paul Maes était aux États-Unis, dans le cadre d’une mission organisée par l’AWEX (Agence wallonne aux exportations), au Texas. Son but ? « Nous sommes au stade où nous quittons le stade de start-up pour devenir une scale-up Pharma », dit-il. » Nous sommes à la recherche de fonds pour développer notre société et aller de l’avant, et pourquoi pas aux États-Unis?» Depuis quelques semaines, les contacts se multiplient de part et d’autre de l’Atlantique.

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