Pour compenser le manque d’organe disponible face au nombre important de patients en liste d’attente, de plus en plus de transplantations rénales sont réalisées avec des organes considérés à haut risque. Les techniques de préservation des greffons revêtent dès lors une importance capitale afin de diminuer les complications et d’améliorer la fonction à court et long termes de l’organe. Le Centre de transplantation des Cliniques Saint-Luc et l’Institut de Recherche Expérimentale et Clinique de l’UCLouvain viennent de mettre au point une méthode novatrice de préservation des organes via une technique alternative d’oxygénation. Deux receveurs de rein en ont bénéficié en mars 2022. Cette première mondiale a profité du soutien de la Fondation Saint-Luc.
Pas assez d’organes disponibles
Actuellement, la transplantation rénale soufre d’un déséquilibre considérable entre les personnes inscrites en liste d’attente et le nombre d’organes disponibles : à peine 4.000 transplantations pour près de 10.000 personnes en liste d’attente dans la zone d’Eurotransplant!
Depuis plusieurs décennies, le nombre de jeunes donneurs a considérablement diminué, notamment suite à l’amélioration de la sécurité routière et des soins dans les services d’urgences et de soins intensifs.
Risques de complications
Si le programme de transplantation par donneur vivant se développe, il est encore nécessaire d’employer de plus en plus de reins considérés comme à « haut risque ». C’est le cas, par exemple, de donneurs à cœur non-battant en arrêt circulatoire irréversible ou en état de mort cérébrale âgés de 50 à 60 ans avec certaines comorbidités associées.
Ces organes à haut risque sont plus sensibles à la préservation par le froid et sont associés à des risques de retard fonctionnel ou au développement de complications délétères pour la survie à court et long termes du rein. Les receveurs de ces reins à haut risque ont plus souvent besoin de séance de dialyse pendant une ou deux semaines après la transplantation. Cela représente un coût important en termes de santé publique.
Oxygéner les reins pour les préserver
Depuis les années 60, la méthode classique de préservation consiste à placer les greffons dans un caisson contenant une solution froide. Les 20 dernières années ont vu l’émergence de machines permettant une perfusion permanente de l’organe (en conditions froides), ce qui améliore sensiblement la fonction rénale après transplantation tout en diminuant la nécessité de dialyses. Les coûts associés à ces machines demeurent toutefois très élevés.
À côté de cela, sont apparues d’autres machines équipées d’un oxygénateur à membrane (similaire à un système de circulation extracorporelle), améliorant plus encore la fonction des greffons tout en diminuant les complications postopératoires et la perte du greffon à 1 an après la transplantation.
Pour diminuer ce risque de complications, la littérature a depuis longtemps mis en évidence les avantages de différentes méthodes de préservation des greffons. Le Centre de transplantation des Cliniques universitaires Saint-Luc et de l’Institut de Recherche Expérimentale et Clinique (IREC) de l’UCLouvain viennent de développer, en collaboration avec la société belge Organ Recovery Systems, une technique alternative de préservation des greffons rénaux par oxygénation. Il s’agit d’une première mondiale.
Concrètement, l’équipe de chercheurs a ajouté une connexion pour pré-oxygéner le réservoir contenant le liquide de préservation. « Quand le rein est connecté et perfusé, la machine continue d’oxygéner la surface du liquide. L’oxygénation peut être interrompue pour le transport du greffon selon le choix du transplanteur. Par diffusion, l’oxygène pénètre dans le tissu du rein et améliore sa préservation et son état métabolique. Ce système s’avère moins coûteux que l’oxygénateur à membrane tout en obtenant des résultats équivalents en termes d’efficacité de la préservation. »
Le 20 mars dernier, deux patients ont bénéficié avec succès d’une transplantation de reins de donneur à cœur non battant et préservés par cette nouvelle technique d’oxygénation aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Comment se portent-ils ? « La fonction du greffon des deux receveurs est excellente et aucune dialyse n’est nécessaire après la transplantation. Les deux patients poursuivent leur convalescence. »
Cette technique a été approuvée par un marquage CE au niveau européen. Une trentaine de centres de transplantation dans le monde vont commencer à l’utiliser dans leur programme.