Série (3/5) « Belge, scientifique et expatrié »
Devenir Médecin Sans Frontières, telle était l’ambition de Valérie Verhasselt lorsqu’elle choisit d’entamer des études de médecine à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Mais au fil de son parcours, la vie lui réserve un autre destin. Ses excellents résultats et l’enthousiasme de ses proches la convainquent de se lancer dans une spécialisation en médecine interne.
Du lit des patients à la paillasse
Ces années au chevet des patients sont une réelle épreuve psychologique pour Valérie Verhasselt. « Lorsqu’on fait des études de médecine, on ne mesure pas forcément le choc psychologique que peut provoquer le fait de se retrouver quotidiennement face à la souffrance des patients », explique-t-elle.
Après sa troisième année de spécialisation, elle décide de s’accorder « une pause » et d’intégrer le monde de la recherche. Elle boucle une thèse au Laboratoire d’immunologie expérimentale, devenu aujourd’hui l’Institut d’immunologie médicale (IMI), de l’ULB.
Un choix difficile
Sa spécialisation de médecine interne terminée en 2000, Valérie Verhasselt doit faire un choix : recherche ou clinique ? « C’est un peu par défaut que j’ai pris la voie de la recherche », avoue-t-elle. « Mais ce métier correspondait bien à certains traits de ma personnalité puisque j’aime jouer, comprendre, réfléchir, enquêter ».
La jeune chercheuse poursuit alors sa carrière durant trois ans au sein du Laboratoire d’immunologie expérimentale de l’ULB grâce à un mandat de Chargé de recherches F.R.S.-FNRS.
Dès 2001, elle explore différentes pistes pour poursuivre ses recherches à l’étranger et rejoint, en 2004, le Laboratoire d’Immunologie de l’Université de Nice Sophia Antipolis. « Un séjour de recherche à l’étranger est fortement conseillé pour obtenir une place de chercheur permanent en Belgique », indique Valérie Verhasselt. « Et la thématique de tolérance immunitaire dans le diabète que traitait le laboratoire de Nicolas Glaichenhaus à Nice m’intéressait beaucoup ».
Le pollen de cyprès comme déclic
Après une spécialisation, une thèse, un postdoctorat et la naissance de deux enfants, Valérie Verhasselt prend donc un nouveau départ. «Je suis passée de la recherche médicale à la recherche fondamentale en biologie », dit-elle. A 36 ans, je débarque ainsi derrière ma paillasse à Nice, incompétente !», se souvient la chercheuse.
Peu après son arrivée, elle a pourtant une idée de projet de recherche qui va propulser sa carrière de manière totalement inattendue…Cette idée, elle l’a eue en découvrant l’énorme quantité de pollen de cyprès qui recouvre chaque année le sol de cette région au printemps.
« En voyant toutes les voitures recouvertes de ce tapis de pollen jaune, je me suis dit qu’il était possible que les allergènes de pollen passent dans le lait maternel. Cela pourrait expliquer que les nouveau-nés allaités sont moins susceptibles de développer des allergies au pollen par la suite », explique la scientifique.
Enthousiaste face à cette hypothèse, Nicolas Glaichenhaus permet à Valérie Verhasselt de réaliser les expériences nécessaires pour la tester en parallèle de son projet initial. Il ne lui fallut pas longtemps pour obtenir les premières preuves du bien-fondé de son hypothèse…
En 2008, Valérie Verhasselt et ses collègues publient un article à ce propos dans la prestigieuse revue Nature Medicine. Un article « qui a tout changé » pour la chercheuse. Invitée à donner des conférences et sollicitée pour des collaborations un peu partout dans le monde, elle est désormais considérée comme une experte incontournable dans son domaine.
Tiraillée entre sécurité et créativité
Au même moment, elle apprend que le F.R.S.-FNRS l’a sélectionnée pour un poste de Chercheur qualifié en Belgique. Le choix est cornélien : sa raison lui suggère de rentrer en Belgique alors que son cœur penche pour ses activités de recherche en France…
« J’ai choisi de rester à Nice. Cela n’a pas été facile car j’ai ensuite vécu six mois sans salaire », se souvient Valérie Verhasselt. Grâce au succès de ses travaux de recherche et à sa nouvelle notoriété dans la communauté scientifique, elle obtient peu de temps après une place de chercheur à l’Inserm.
Depuis 2012, Valérie Verhasselt dirige sa propre équipe à laquelle elle essaie d’inculquer la culture de la recherche translationnelle. « Je vais moi-même reprendre une activité clinique partielle de consultation en allergologie afin de renouer le contact avec les patients », explique la chercheuse.
Son avenir, Valérie Verhasselt ne le voit plus en Belgique. Sa vie sociale belge lui manque mais la lourdeur administrative liée à la recherche la rebute. Son pays d’accueil lui a permis d’exprimer sa créativité scientifique, une condition indispensable à ses yeux pour poursuivre sa carrière de chercheuse.