Aux éditions Odile Jacob, le guide «Le harcèlement scolaire» du psychopédagogue Bruno Humbeeck propose aux parents une boîte à outils. Avec des questionnaires qui cernent le problème. Des solutions pour arrêter la spirale de violence.
Les parents ne sont pas les confidents favoris
Seulement 6,9 % des enfants harcelés à l’école primaire en parlent à leurs parents. Les victimes se confient d’abord à leur animal de compagnie, à leur ours en peluche. Puis à un élève malmené comme eux. Ensuite, dans une proportion moindre, à un membre de l’équipe éducative.
«Non pas parce que l’enfant n’a pas confiance en lui», explique le directeur de recherche au Service des sciences de la famille de l’UMons. «Mais parce qu’il a l’impression que celui-ci ne sait pas très bien comment agir pour l’aider. Et qu’il risque, par son intervention bienveillante mais maladroite, d’aggraver la situation en envenimant les choses.»
«Quand les parents apprennent l’intensité des souffrances auxquelles a été confronté leur enfant, la secousse émotionnelle est souvent pour eux totalement insupportable. Le sentiment de culpabilité se teinte dans ce cas d’une incompréhension absolue qui ajoute à l’angoisse de n’avoir pas été suffisamment présents pour soutenir leur enfant face à une épreuve de cette dimension.»
Que devrait faire le parent pour que l’enfant se confie? «Toujours veiller à se poser comme un confident disponible pour son enfant», conseille le chercheur. «Il doit également se mettre sans retenue en position de faire écho aux difficultés de l’enfant pour stimuler de la part de l’école des réponses institutionnelles adaptées. Afin de contrôler ce qui se produit dans les cours de récréation, comme partout ailleurs sur son territoire. Évidemment, aucun parent ne doit, ne peut se résoudre à se renfermer dans le silence complice de la honte avec son enfant.»
Un modèle de prévention
Pour Bruno Humbeeck, il ne faudrait pas perdre de vue que cette persécution est une violence invisible et subjective. «Il faut donc renoncer à chercher à exhiber des preuves, en argumentant à partir de faits objectifs qui, pris séparément, peuvent paraître insignifiants. Mais dont l’accumulation et l’aspect répétitif créent chez l’enfant une situation réellement insupportable.»
Les travaux du psychopédagogue l’ont conduit à concevoir un modèle de prévention des situations de harcèlement articulé autour d’une «cour de récréation régulée», d’«espaces de paroles régulés». Afin de maîtriser ce que vivent les élèves.
«Les dispositifs de prévention du harcèlement tels que nous les mettons en place actuellement en Fédération Wallonie-Bruxelles, dans plus de 600 écoles en Belgique, prévoient de les associer à des conseils d’éducation qui, en cas d’infraction légale, permettent de poser des sanctions qui protègent la victime», explique le spécialiste de la gestion du harcèlement scolaire et professionnel.
«Une fois que le harcèlement est contrôlé, il est parfois nécessaire que les parents et les enseignants conjuguent leurs efforts pour éviter les séquelles qu’une exposition prolongée ou virulente à cette forme d’agressivité violente peut provoquer.»
Les effets négatifs sur la perte d’estime de soi, les relations sociales, les résultats scolaires disparaissent généralement quand la situation de harcèlement est dépassée.
C’est l’affaire des parents et de l’école
En cas de cyberharcèlement, parents et école se renvoient souvent la balle. «Ce match inutile qui, lorsque le conflit perdure, ne fait jamais qu’un perdant, l’enfant ou l’adolescent, n’a pas lieu d’être», souligne le chercheur. «Il est fondamental que le parent qui entend le message désespéré de son enfant ou de son adolescent victime d’une agression numérique, lui fasse savoir que les adultes disposent des moyens d’intervenir. Et qu’ensemble – parents, enseignants et éducateurs – ne sont pas démunis pour y faire face.»
«Suggérer aux parents de ne pas diaboliser les réseaux sociaux apparaît comme la clé de voûte de toutes les démarches préventives dans le domaine du cyberharcèlement», juge Bruno Humbeeck. «En abordant les lieux de sociabilité numérique par leur face sombre, les parents mettent en place les conditions idéales pour que leur enfant n’aborde pas avec eux les éventuelles difficultés qu’il y rencontrera.»
Les «espaces de parole régulés», les conseils d’éducation, le système de cybercitoyens permettent aux écoles de restituer dans le réel ce qui se produit dans le virtuel. Pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, il semble important que les écoles adoptent une position claire en communiquant, de manière transparente, sur les sanctions prises en cas de cyberharcèlement.