Illustration extraite de la couverture Jalon de Recherche 48 des Archives générales du Royaume © Archives générales du Royaume

Pour les métis belges, la quête des origines passe par les Archives générales

27 juillet 2023
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

« Durant la période coloniale, de nombreux hommes belges ont entretenu des relations avec des femmes africaines, que l’on appelait « ménagères ». Ces relations, parfois consenties, parfois contraintes, de nature et de durée variables, ont donné lieu à la naissance d’enfants métis dont le nombre reste à ce jour inconnu. Ni noirs ni blancs, ces enfants sont désignés par le terme mulâtre et font l’objet de nombreuses discussions, car ils ne rentrent pas dans les « catégories raciales » existantes. »

Ce texte, à replacer dans son contexte historique, est extrait de l’exposition virtuelle « Archives, mémoires et identités métisses ». Il dénote toute la complexité de la question des métis belges qui continuent de se poser aujourd’hui.

Ces enfants ont bien souvent été enlevés à leur mère pour être pris en charge par l’autorité coloniale ou diverses associations subventionnées par l’État, et envoyés en Belgique. Remonter à leurs origines, leurs racines, leur histoire est, pour beaucoup de ces métis et de leurs descendants, une entreprise qui se perd dans le brouillard de l’Histoire. Un pan de l’Histoire de la Belgique pourtant récent: il s’étend de 1886 à 1962.

Une étude historique

Qui sont les métis belges et les descendants de ces enfants mulâtres issus d’une union entre des parents de couleurs différentes lors de la colonisation belge du Congo, mais aussi de l’administration du Rwanda et du Burundi par la Belgique ? Combien sont-ils ? Où vivent-ils ? Quelle est leur histoire individuelle et quelles sont leurs véritables origines ? Ces questions sont donc loin d’être tranchées.

Aux Archives générales du Royaume (AGR), une des institutions scientifiques fédérales belges, le projet de recherche « Résolution-métis » est en cours depuis quatre ans. « Il devrait déboucher sur une étude historique globale qui sera présentée au Parlement en février 2026 », souligne Karel Velle, l’Archiviste général du Royaume.

Archives coloniales publiques et privées

Après quatre années de travaux, deux des chercheuses impliquées dans ce projet viennent de faire le point sur leurs travaux qui répertorient l’ensemble des dossiers individuels et généraux (des kilomètres de rayonnages d’archives de multiples natures) permettant de retracer les parcours individuels et collectifs des métis issus de la colonisation belge.

« Il est souvent difficile de s’orienter dans l’enchevêtrement des archives coloniales. On y retrouve des archives publiques, produites par l’État colonial, et des archives privées, produites par des acteurs privés tels que des associations, des entreprises ou des congrégations religieuses, qui sont dans des états de conservation, de classement et d’accessibilité très variables », constate Chiara Candaele (AGR).

« La brochure « Jalon de recherche », que nous venons de publier, est un premier bilan des quatre premières années de travaux du projet mené par sept chercheurs dans ce cadre », explique Delphine Lauwers (AGR).

266 demandes traitées

« Ce Jalon montre la complexité du paysage archivistique que nous menons. Il permet aussi d’identifier différentes collections d’archives qui sont potentiellement intéressantes pour les métis qui désirent renouer avec leurs racines. Notre travail d’archiviste prend ici tout son sens. Nous ne sommes pas des gardiens de l’information, mais bien des facilitateurs d’accès à l’information. »

« À ce jour, plus de 260 personnes ont déjà contacté l’équipe du projet « Résolution-métis ». Ils vivent aujourd’hui essentiellement en République démocratique du Congo, en Belgique, au Rwanda, au Burundi, mais aussi en France, et même au Canada », souligne Mme Lauwers. Chaque cas est unique. Le dialogue dure pendant des mois. À ce stade, dans 70 % des cas, nous avons pu apporter des réponses convaincantes, parfois même établir des liens familiaux. C’est un travail heuristique énorme », insiste la chercheuse.

Un travail dont les réponses sont parfois cruciales pour les intéressés. Notamment en matière de certificat de naissance, un document dont l’absence est source de tracasseries sans fin pour les intéressés.

Combien sont-ils, ces métis belges ? On parle de 15.000 à 20.000 personnes. « Les chiffres ? On sait que c’est une des attentes pour notre rapport de 2026 », reprend Delphine Lauwers. « C’est aussi une des questions qui nous met le plus mal à l’aise. Les documents dont nous disposons à ce sujet sont plutôt aléatoires, peu consistants et surtout peu fiables. Y compris les données issues des vastes campagnes de recensement menées en 1932. Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. Seule la moitié des territoires administratifs concernés avaient, à l’époque, répondu à ce recensement. Nous serons dans l’impossibilité de fournir des statistiques fiables. On ne saura sans doute jamais combien d’enfants ont été transférés vers la Belgique. »

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