De Liège à Harvard, en passant par Québec, Steven Laureys se partage entre la Belgique et l’Amérique du Nord. Le neurologue belge, spécialiste des états de conscience altérée et directeur de l’unité de recherche Giga Consciousness de l’université de Liège, séjourne pour l’instant au Québec, où il a développé une collaboration avec l’université Laval et son centre de recherche « Cervo ».
« Ce centre, spécialisé en neurosciences, grandit vite, avec une belle dynamique et une grande bienveillance » explique Steven Laureys. « Nous avons aussi des collaborations avec des chercheurs de Montréal. Québec est aussi beaucoup plus près de Boston, où je serai prochainement professeur invité au Massachusetts General Hospital (université de Harvard), le meilleur hôpital universitaire de la planète. »
La méditation n’est pas une exclusivité de la religion bouddhiste
Le scientifique belge, lauréat du Prix Francqui 2017 et directeur de recherche du FNRS, continue à suivre, en téléconsultations ou lors de séjours en Belgique, ses patients restés au pays. De plus en plus, ce qui l’intéresse, c’est partager sa science avec le public, comme il l’a fait avec le nouveau musée WOM, qui vient d’ouvrir ses portes à Bruxelles. Pour ce musée dédié au cerveau et à ses perceptions du monde extérieur, le chercheur a apporté son expertise.
« Je trouve qu’on n’exploite pas assez les chercheurs dans l’espace public. Ils ont toujours des histoires extraordinaires à raconter. Ce qu’ils font est primordial. Leur réalité est bien plus impressionnante que n’importe quelle fiction », indique Steven Laureys. Dans le nouveau musée, il est omniprésent, via des séquences filmées qui émaillent la visite et apportent divers éclairages.
Un autre intérêt du scientifique porte sur le bien-être, physique et mental. « Je me suis déjà intéressé à la méditation et à son impact sur le cerveau », rappelle-t-il. « Notamment chez les moines bouddhistes. Je m’intéresse aussi à d’autres états de conscience, dont l’hypnose et la transe. Au Québec, nous en faisons de même, mais en nous intéressant aux Amérindiens, aux Inuits et à leurs traditions. Parce que la méditation n’est, bien entendu, pas une exclusivité de la religion bouddhiste. Je pense que ces traditions ne sont pas assez connues et qu’on ferait mieux de les explorer afin de les traduire et de les appliquer à nos propres besoins ».
Un pont entre la médecine mécanistique et la société
« Un de mes axes de recherche sur la conscience tourne désormais autour de ce que j’appellerais le « Power of the Mind », la force de l’esprit : une ressource de notre cerveau qui n’est pas, à mon sens, assez exploitée. Son corollaire ? On utilise trop de médicaments, on fait trop d’interventions sans s’inquiéter de ce que pense le patient, de son rôle dans sa propre santé et du changement de ses habitudes qui vont avoir un impact aussi bien en prévention que sur la gestion des symptômes et de la maladie ».
Par ailleurs, le neurologue donne aussi beaucoup de conférences, « pour des firmes qui souhaitent investir dans le bien-être de leur personnel », dit-il. « Burn-out, absentéisme, présentéisme… J’ébauche des pistes pour garder le personnel motivé. Je suis heureux de constater que ce mouvement, bien présent en Amérique du Nord, commence aussi à arriver en Europe. Cela prend du temps, mais c’est un plaisir de pouvoir participer à cette dynamique ».
« J’aimerais d’ailleurs faire davantage le pont entre la médecine dite classique, la connaissance mécanistique des maladies, et la société ainsi que le monde de l’industrie. Ceci afin de donner davantage d’attention à chaque citoyen, lequel doit jouer un rôle plus actif, plus central, dans sa santé.»
« C’est pour cela que j’ai signé un livre sur la méditation et que je viens de sortir un autre livre sur le sommeil. D’autres ouvrages suivront. Ils vont porter sur l’importance pour notre cerveau de l’activité physique, de la qualité de notre environnement de travail, celle de notre relation à autrui, de notre alimentation. Tout cela impacte le bien-être physique et mental de l’être humain. »
« Nous allons clairement investir davantage dans des projets de recherche qui tournent autour de cette thématique. Et utiliser les nouvelles technologies de pointe et les sciences dures pour démontrer la pertinence de ces « soft skills », que l’on devrait déjà apprendre à l’école », conclut-il.