Le dernier des Néandertaliens connu à ce jour était belge. Il s’agit de l’Homme de Spy et il vivait voici 40.000 ans. Voilà ce qu’indiquent les résultats d’une étude internationale pilotée par l’université d’Oxford (Angleterre). Patrick Semal, paléoanthropologue à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, un des établissements relevant de la Politique Scientifique fédérale (Belspo), y a participé.
« Cette étude, publiée dans la revue Nature de cette semaine, a porté sur des fossiles connus provenant d’une quarantaine de sites néandertaliens », explique-t-il. « Elle a utilisé une nouvelle méthode de datation au radiocarbone. Plus précise, cette méthode a permis d’affiner l’âge des fossiles étudiés. Elle montre que les Néandertaliens ont disparu de la surface de la Terre 10.000 ans plus tôt que ce qu’on pensait jusqu’à présent ». A Spy, nous avons même les plus jeunes fossiles néandertaliens datés dans l’étude. Ils ont entre 42.500 et 40.000 ans.
2.600 à 5.400 ans de vies “parallèles”
Le moment exact de la disparition des Néandertaliens n’était toujours pas clairement connu, rappelle l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique. Les datations ont souvent fourni des âges plus jeunes qu’ils ne l’étaient en réalité, notamment pour des questions de contamination des échantillons. L’utilisation de nouvelles techniques de datation au radiocarbone a permis de mieux définir le cadre chronologique de cette disparition.
Voilà qui remet quelques pendules à l’heure. Des pendules qui permettent aujourd’hui aux chercheurs de dire que l’Homme moderne a été contemporain de Neandertal pendant une période longue de 2600 à 5400 ans environ.
Découvrez ici un échantillon des fossiles néandertaliens provenant de la Grotte de Spy
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Cette contemporanéité entre ces deux espèces humaines ne signifie pas nécessairement que les deux groupes humains aient vécu ensemble, ni qu’ils se soient hybridés à cette époque. Certes, chez nombre d’êtres humains actuels, une partie du génome renferme un peu d’ADN néandertalien. Mais cette hybridation ne semble pas remonter à la fin de la vie de Neandertal sur Terre. Elle correspondrait plutôt à des rencontres survenues lors de la sortie de l’Homme moderne d’Afrique, il y a 100.000 ans environ.
Ecoutez Patrick Semal expliquer pourquoi l’ADN d’une bonne partie des Européens d’aujourd’hui contient jusqu’à 2 pour cent d’ADN néandertalien.
Cette nouvelle étude permettra peut-être de comprendre la disparition des Néandertaliens en faveur de l’Homme anatomiquement moderne. « Il n’y a, à ce jour, aucune évidence de contact entre les deux populations dans nos régions. Les traces les plus anciennes de l’Homme anatomiquement moderne en Belgique sont plus récentes de quelques milliers d’années que celles des derniers Néandertaliens. Seules de nouvelles fouilles, études et analyses permettront d’affiner notre compréhension à ce sujet à l’échelle du continent mais aussi au niveau régional », estime Patrick Semal.
L’homme de Spy ne mangeait pas que du mammouth
A propos de l’homme de Spy et des techniques modernes d’investigation utilisées par les paléoanthropologues, pointons cette autre étude concernant son régime alimentaire. En 2011, la chercheuse américaine, Amanda G. Henry, désormais en poste à l’Institut Max Planck d’anthropologie de l’évolution à Leipzig (Allemagne), a pu montrer que ce Néandertalien ne mangeait pas que du mammouth. Elle en veut pour preuve des informations tirées des microfossiles retrouvés dans le tartre… de ses dents. A Spy, l’aliment de base de celui qui apparaît aujourd’hui comme le dernier des néandertaliens connu en Europe semble bien ne pas avoir été le mammouth… Son ordinaire comportait plutôt des rhizomes de nénuphars, riches en hydrates de carbone: la « pomme de terre de l’époque ».
Ecoutez Patrick Semal détailler une partie des habitudes alimentaires de l’Homme de Spy