À quand des cours de nutrition à l’école ?

26 août 2024
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Le Dr Sami Ftouh n’y va pas par quatre chemins. « Il faut introduire un cours de nutrition à l’école », clame-t-il. « Nos élèves ne savent pas ce que manger veut dire. Du moins en ce qui concerne leur santé. Parmi les quelque 350 jeunes de 12 à 15 ans que nous avons interrogés, sept sur dix fournissent des réponses erronées à nos questions. »

Le médecin formé à l’ULB, qui s’est spécialisé dans les questions de nutrition clinique et de médecine du sport en tant que généraliste, vient de boucler une recherche auprès de cinq écoles secondaires de la ville de Bruxelles.

Se méfier de l’image du corps véhiculée par les réseaux sociaux

« Lors de mes consultations, j’avais été interpellé par la méconnaissance des jeunes sur les liens pouvant exister entre leur alimentation et leur santé », dit-il. « Mais aussi par la grande attention qu’ils apportaient à leur apparence physique. Par exemple, cette jeune fille avec un indice de masse corporelle (IMC) de 19 qui vient me voir pour perdre sept kilos. Ce n’est pas normal. C’est un des effets néfastes des réseaux sociaux sur les jeunes qui proposent une vision idéalisée des corps. »

Selon l’Organisation mondiale de la santé, un IMC de 19 est tout à fait normal. Il frôle même la limite d’un état de maigreur (sous 18,5). Une corpulence normale a un IMC compris entre 18,5 et 24,9.

Pour dresser un état réel des connaissances des jeunes concernant l’impact de l’alimentation sur leur santé, le Dr Ftouh a interrogé, au début de l’année 2024, quelque 350 élèves de cinq écoles bruxelloises. Ils étaient âgés de 12 à 15 ans.

Il s’est notamment intéressé à leur fréquence de consommation de 21 types de produits, sur la prise ou non d’un petit-déjeuner, de leurs repas de midi, de leurs connaissances en matière alimentaire par rapport aux protéines, aux lipides, aux glucides, au sucre, au sel, aux fibres…

Dr Sami Ftouh © Christian Du Brulle

« Pourquoi ne fumes-tu pas ? »

« En consultation, je leur demande volontiers… pourquoi ils ne fument pas? La question est bien entendu frontale. Et les réponses sont invariablement: parce que ce n’est pas bon pour la santé. Malheureusement, leur perception « santé » par rapport aux boissons gazeuses et autres collations sucrées n’est pas aussi automatique », déplore-t-il.

La consommation des boissons énergisantes, par exemple, augmente d’un facteur 20 entre 12 et 15 ans. « Or, les études scientifiques pointent les risques cardiovasculaires énormes qu’elles peuvent engendrer », assure le médecin.

En ce qui concerne les boissons gazeuses sucrées, la courbe est frappante. À 13 ans, leur consommation augmente en flèche. Pourquoi ? Parce que c’est l’âge limite fixé par la Ville de Bruxelles pour autoriser les jeunes à quitter seuls l’école à midi. Un pic qui toutefois diminue quelque peu au cours des années qui suivent, au profit de la consommation de boissons moins sucrées, voire simplement de l’eau.

Un petit-déjeuner tout en nuances

Autre enseignement intéressant de cette étude bruxelloise: le petit-déjeuner. Le Dr Ftouh remarque que les élèves des écoles professionnelles et techniques y sont plus assidus que ceux de l’enseignement général.

« L’explication vient de leurs horaires de cours », analyse le médecin. « En professionnel et en technique, de même que pour les formations en alternance, on commence sa journée en entreprise (stage, etc.) plus tard. Cela laisse davantage le temps de prendre un petit-déjeuner que lorsqu’on doit être au cours à 8 heures. »

Reste la question de la composition de ce petit-déjeuner. Les céréales y ont encore beaucoup trop la cote. Or, elles sont très sucrées. « Ce que je conseille, c’est un petit-déjeuner avec un haut taux de protéines. Cela a un impact sur la concentration des élèves au cours des quatre heures qui vont suivre », préconise Sami Ftouh.

Cinq fruits et légumes par jour

Et il y a aussi la question plus générale de la consommation des fruits et des légumes. 70 % des élèves interrogés ne savent pas qu’il est recommandé d’en consommer cinq portions par jour (de 80 grammes chacune).

« Or, la nutrition des jeunes d’aujourd’hui, c‘est  la santé des adultes de demain. Pour limiter les cas d’obésité, de diabète, de problèmes de thyroïde, de cancers qui découlent en partie de problème de malbouffe, et donc pour faire aussi des économies en ce qui concerne les dépenses de santé, autant prendre de bonnes habitudes dès l’école. Et pour cela, il faut que nos jeunes soient bien informés », dit-il.

Parler nutrition aux cours de sport ou de sciences

« Je plaide dès lors pour l’organisation de cours de nutrition à l’école.  Par exemple, dans le cadre des cours de sciences, ou mieux encore, dans le cadre des leçons de sport. Les liens entre l’apparence du corps, les performances sportives et l’alimentation équilibrée sont évidents. Et quitte à introduire ces notions, pourquoi ne pas parler aussi du triangle santé, qui passe par un bon sommeil, une alimentation correcte et de l’exercice sportif régulier. Il y a là une carte à jouer », dit encore le Dr Ftouh. Qui se prend aussi à rêver à d’autres actions en milieu scolaire pour enrayer la spirale de l’obésité.

« Outre l’apport d’une information rigoureuse, pourquoi ne pas distribuer des gourdes aux élèves en début d’année et prévoir des points d’eau où les remplir ? On a déjà supprimé les distributeurs de boissons gazeuses dans les écoles. Continuons dans cette voie. Et puis, pour donner l’exemple, pourquoi ne pas réintroduire les cantines scolaires accessibles et proposant des repas sains et équilibrés ? », conclut-il.

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