L’équipe du professeur Sylvain Gabriele, du Mechanobiology & Biomaterials group (UMons) a identifié pour la première fois les mécanismes physico-chimiques impliqués dans la migration de petits groupes de cellules épithéliales dans des environnements confinés. Ces mécanismes jouent un rôle crucial dans la migration coordonnée des cellules tumorales. Et pourraient potentiellement devenir des cibles thérapeutiques pour bloquer la dissémination des cellules métastatiques.
Migration collective des cellules cancéreuses
Les cellules épithéliales couvrent la surface de la plupart de nos organes, formant un tapis de cellules capables de se déplacer pour former des organes ou encore cicatriser des plaies.
Chez les patients atteints de tumeurs dérivées de cellules épithéliales (ou carcinomes), 90 % des décès sont causés par des tumeurs secondaires appelées métastases. Ces métastases commencent lorsque des cellules quittent la tumeur principale et migrent dans les tissus voisins, traversant des espaces plus petits que leur taille pour atteindre d’autres organes.
Bien que les tissus présentent des espaces restreints, de plus en plus de preuves indiquent que ces cellules ne se déplacent pas individuellement, mais en petits groupes de quelques cellules, un phénomène connu sous le nom de migration collective.
Cependant, les mécanismes permettant à ces colonies de cellules de migrer efficacement dans des environnements confinés restaient encore très mal compris.
Plus le train est large, plus il est lent
Dans cette étude, l’équipe de chercheurs de l’UMons a réussi à former de petites colonies de cellules épithéliales et à reproduire leur migration dans des espaces restreints.
Pour cela, ils ont modifié la biochimie des surfaces de culture en y déposant des bandes micrométriques de protéines adhésives pour guider la migration de ces colonies. En ajustant la largeur de ces bandes, les chercheurs ont contrôlé la taille des colonies, formant ainsi des trains de cellules alignées ou des colonies plus larges.
L’équipe du Pr Sylvain Gabriele a observé, par microscopie à fluorescence, le déplacement des groupes de cellules sur ces pistes et a montré que la longueur des trains de cellules ne changeait pas leur vitesse, mais que plus les trains étaient larges, plus ils étaient lents.
Cette découverte démontre qu’il est plus efficace de former un train de cellules alignées pour déplacer un petit groupe de cellules dans un environnement restreint que de former une colonie plus large.
De manière intéressante, la vitesse de déplacement de ces trains de cellules ne dépend pas du nombre de cellules, ce qui suggère que la dissémination de groupes de cellules de tailles différentes se réalise à la même vitesse dans les tissus humains.
Collaborations internationales
Pour mieux comprendre pourquoi les colonies plus larges étaient plus lentes, Eléonore Vercruysse, doctorante FRIA-FNRS, et première autrice de cet article, a effectué un séjour de plusieurs mois dans l’équipe du Pr Xavier Trepat (IBEC, Espagne).
Les résultats indiquent que les cellules épithéliales dans les colonies larges forment des contacts latéraux adhésifs importants, et que l’énergie utilisée pour maintenir ces contacts se fait au détriment de l’énergie disponible pour faire avancer le groupe de cellules.
Les chercheurs de l’UMons ont ensuite collaboré avec l’équipe du Pr Edouard Hannezo (IST, Autriche) afin d’expliquer, par des principes physiques simples, comment l’établissement de contacts adhésifs latéraux entre cellules voisines diminue la vitesse de migration des clusters cellulaires.
Sachant que la dérégulation des contacts adhésifs dans les cellules épithéliales est une étape clé de la transition tumorale, ces résultats permettent de mieux comprendre les mécanismes de migration des cellules cancéreuses.
Des avancées notables sont attendues grâce à l’étude de la migration des trains de cellules tumorales issues de biopsies humaines, en utilisant les microsystèmes adhésifs innovants développés dans ce projet. L’impact potentiel de ces travaux pourrait ouvrir la voie à des approches thérapeutiques révolutionnaires et fournir une meilleure compréhension des mécanismes de dissémination tumorale.