En dépit d’un cadre législatif qui interdit de vendre, de servir ou d’offrir des boissons alcoolisées aux mineurs, les adolescents belges y goûtent toujours avant l’âge minimum légal (16 ans pour la bière et le vin, 18 ans pour les spiritueux et cocktails). Au-delà des réglementations, des études indiquent que la supervision des parents joue un rôle clé pour réduire efficacement la consommation d’alcool chez les jeunes. Mais les mécanismes derrière cette corrélation ne sont pas encore bien compris.
Une récente étude à laquelle a participé Cécile Mathys, chercheuse et professeure au département de criminologie de l’ULiège, révèle que la surveillance parentale serait associée chez l’enfant à une moindre acceptabilité de boire de l’alcool, conduisant ainsi à une consommation plus faible. Fait intéressant : le contrôle parental – impliquant la fixation de restrictions et de règles – s’avère plus efficace que la simple discussion avec l’adolescent.
Près d’un Belge sur quatre a bu de l’alcool avant 16 ans
Il est aujourd’hui de plus en plus établi que l’alcool à l’adolescence amène son lot de problèmes, notamment sur le développement du cerveau. Cela conduirait aussi à de plus hauts niveaux d’anxiété et des tendances plus nettes à la dépression à l’âge adulte.
Malgré l’existence de lois encadrant la consommation d’alcool chez les mineurs, 22,8% des Belges indiquent avoir commencé à en boire avant l’âge de 16 ans. Une proportion qui tend même à augmenter au fil des sondages.
Alors, que faire pour réduire ces chiffres ? D’après de nombreuses études, le rôle des parents pourrait être déterminant. Une recherche menée par Cécile Mathys (Université de Liège), en collaboration avec Catherine Cimon-Paquet et Marie-Hélène Véronneau (Université du Québec à Montréal), a tenté de mieux comprendre ce rapport entre supervision parentale et consommation d’alcool.
La supervision des parents, entre contrôle et sollicitude
Les chercheuses ont interrogé par questionnaire 1.154 Belges de 13 à 23 ans (moyenne d’âge de 16 ans) sur leur propre consommation et la manière dont ils perçoivent la supervision de leurs parents.
« Le concept de surveillance parental recouvrait ici deux dimensions : la sollicitation et le contrôle. Dans le premier cas, la supervision se fait au travers d’échanges avec le jeune, en le questionnant sur ce qu’il a fait de son temps libre, où, avec qui, etc. », explique Cécile Mathys. Par ces discussions, le parent vise à transmettre à son enfant les valeurs et normes sur ce qui est acceptable, ou non.
« Le contrôle parental implique, quant à lui, la fixation de règles et de limites concernant les activités et conduites de l’enfant (lieux et heure de sorties, fréquentations…). »
Prioriser les règles à la discussion
L’étude conclut que l’établissement de règles vis-à-vis de l’alcool est plus efficace pour prévenir son usage avant l’âge légal. Cela peut être des consignes du type « si tu invites des amis à la maison, tu n’as pas le droit de boire », ou encore « tu as 16 ans, tu as donc le droit de boire une bière ou du vin, mais c’est tout ». « Par ailleurs, les règles parentales générales (donc pas spécifiquement liées à l’alcool) agiront sur des variables prévenant cette consommation, comme la fréquentation de pairs consommateurs, voire de délinquants », ajoute la Pre Mathys.
La sollicitation, de son côté, n’aurait pas d’effet significatif. « Certains parents peuvent penser que dialoguer suffit. Mais ce n’est vrai que chez une minorité d’adolescents, capables d’exercer un contrôle très fort sur leurs actions. N’oublions pas que ce sont des personnes en pleine construction qui ne connaissent pas toujours bien leurs limites et ont besoin d’un cadre. »
La communication reste toutefois importante, les limites fixées devant être justifiées. Surtout, elles doivent être cohérentes. « Si, à l’occasion d’une fête de famille, on autorise le mineur à se servir un cocktail, une forme de confusion peut s’installer. Comme on le sait, l’adolescence est une période de la vie où l’on remet facilement en cause les règles établies. Si celles-ci présentent des exceptions, il sera plus facile au jeune de se convaincre qu’il a finalement le droit de boire, de minimiser l’acte de consommer », met en garde la Pre Mathys.
Les consommateurs précoces sont au courant des lois
En parallèle à cette supervision, l’étude a mesuré chez les participants deux variables : leurs connaissances des lois sur la consommation d’alcool, et s’ils trouvent acceptable, ou non, de boire de l’alcool avant l’âge légal.
Résultat ? Plus le contrôle parental est présent, moins l’adolescent trouvera valable l’idée de boire avant l’âge. En conséquence, lorsque ces jeunes le font, la quantité est moindre. En revanche, l’étude n’établit pas de lien avec la connaissance du cadre législatif. « Ceux qui ne boivent pas du tout d’alcool (22% de l’échantillon) ne connaissent pas bien la législation. Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils ne s’intéressent pas aux lois qui encadrent une activité qui ne les concerne pas. En réalité, ce sont les consommateurs précoces qui sont les mieux informés, via leurs expériences et leur confrontation à la loi. »
Dans l’ensemble, cette nouvelle étude fait savoir que c’est essentiellement le contrôle parental qui permet de réduire la consommation d’alcool chez l’enfant, et suggère un lien entre les règles familiales et le degré d’acceptabilité de boire avant 16/18 ans, présidant ainsi une consommation d’alcool moins élevée.
« A noter que notre échantillon comptait aussi des personnes majeures. Nous avons pu noter que maintenir des règles au-delà de 18 ans était aussi associé à une consommation plus faible. Il n’est plus ici question d’interdits, mais plutôt de continuer à encadrer le jeune adulte pour qu’il apprenne à réguler sa consommation et éviter les conduites à risques », conclut Cécile Mathys.