Dans deux jours, soit le 3 août 2024, des rotifères bdelloïdes embarqueront à bord d’une fusée SpaceX Falcon 9 pour une nouvelle aventure spatiale. Menée par l’Université de Namur (UNamur) en collaboration avec l’Université libre de Bruxelles (ULB) et l’Agence Spatiale Européenne (ESA), cette expérience vise à étudier le comportement de ces minuscules organismes en microgravité.
Tout juste quatre ans après leurs deux premiers vols à bord de la Station spatiale internationale, des rotifères bdelloïdes s’apprêtent à retourner dans l’espace dans le cadre de la mission NG21 pour la réalisation d’une expérience menée par Dr Hespeels Boris, Pre Anne-Catherine Heuskin (UNamur) et la Pre Karine Van Doninck (ULB).
Des capacités de survie phénoménales
Les rotifères bdelloïdes, parmi les plus petits animaux vivants sur Terre, sont connus depuis leur découverte il y a 300 ans pour leur capacité à se dessécher complètement et à revivre après réhydratation.
Ces organismes pluricellulaires (composés de 1000 cellules) peuvent également résister à la congélation. Découverts dans des carottes glaciaires vieilles de 24.000 ans, certains rotifères ont même été capables de revivre et de se reproduire après avoir été décongelés. Depuis 2003, Karine Van Doninck étudie ces animaux microscopiques particuliers.
En collaboration avec le département de physique (LARN, dirigé par la Pre Anne-Catherine Heuskin), les chercheurs de son équipe ont mené de nombreuses études démontrant la capacité des rotifères à survivre à des dommages massifs de l’ADN suite à des expositions à des radiations plus de 100 fois supérieures à ce qu’une cellule humaine peut supporter.
Malgré ces dommages, les rotifères bdelloïdes montrent une remarquable capacité à réparer leur ADN. Ces organismes sont donc de véritables modèles biologiques pour mieux comprendre les mécanismes de résistance aux radiations, à la dessiccation, ainsi qu’au vieillissement et à l’adaptation à des environnements extrêmes.
Récemment, des recherches au sein du projet ERC de Pre Karine Van Doninck, en collaboration entre ULB et l’UNamur, ont mis en évidence la présence de protéines pouvant conférer une radiorésistance à des cellules humaines. De nombreuses investigations sont également en cours pour caractériser les nombreux antioxydants découverts chez ces organismes, qui pourraient être la clé de leur résistance et adaptation.
Enfin, constitués uniquement de femelles se reproduisant sans mâles depuis plus de 60 millions d’années, les rotifères bdelloïdes sont étudiés de près pour comprendre comment ces animaux microscopiques peuvent évoluer et s’adapter en l’absence de reproduction sexuée.
Innovation technique
L’objectif principal de la nouvelle mission spatiale est de fournir les premières images de rotifères réhydratés dans l’environnement unique de la Station spatiale internationale (ISS), après exposition à des niveaux élevés de radiations. Les chercheurs veulent comprendre comment ces organismes se réhydratent, se déplacent et survivent tout en réparant leur ADN dans l’espace. Ils espèrent également observer si ces rotifères peuvent se reproduire dans ces conditions uniques.
Pour réaliser cette étude, un nouveau système de culture des rotifères a été développé par le Dr Boris Hespeels au sein de l’Institut of Life, Earth and Environment (ILEE) et de l’Unité de Recherche en Biologie environnementale et évolutive (URBE) en collaboration étroite avec l’ESA.
« Cela permet de stocker et de réactiver les rotifères de manière autonome et sécurisée pour les astronautes. Cette innovation technique est cruciale pour le bon déroulement de l’expérience », souligne Dr Hespeels.
Les résultats attendus de cette mission permettront de mieux comprendre les mécanismes de résistance et d’adaptation des rotifères, fournissant des informations précieuses pour les futures missions spatiales habitées vers la Lune et Mars.
Bientôt les résultats des deux premières missions
En effet, de nombreux défis attendent les humains qui participeront à ce défi : taux élevé de radiation pouvant induire des cancers, microgravité impactant les processus physiologiques, vie dans un espace confiné, défis psychologiques de l’éloignement de la Terre, etc. L’espace n’est pas un milieu propice à l’Homme.
Afin de préparer des vols vers des destinations lointaines, il est crucial de mieux comprendre comment les organismes vivants peuvent s’adapter dans cet environnement si particulier. Les rotifères, avec leurs multiples caractéristiques de résistance, ont été précédemment sélectionnés par l’ESA comme organisme d’intérêt pour investiguer ces questions.
En 2019, une première expérience a permis d’étudier l’impact d’un vol à bord de l’ISS sur l’expression des gènes des rotifères bdelloïdes Adineta vaga. Les résultats, qui démontrent la modification de certains gènes clés dans la réparation de l’ADN et la résistance aux radiations ionisantes, seront bientôt publiés.
Une deuxième expérience, lancée en 2020, s’est focalisée sur la capacité des rotifères à se réhydrater et à réparer leur ADN dans l’environnement de l’ISS. Les résultats en cours d’analyse confirment la capacité unique de ces organismes à réparer leur ADN dans cet environnement particulier.