Le conflit entre Israël et le Hamas a déclenché des attaques contre des navires commerciaux dans le golfe d’Aden par le mouvement Houthi basé au Yémen. Cela a perturbé les opérations commerciales et entraîné le détournement des navires de la mer Rouge vers le cap de Bonne-Espérance, au large de la côte sud-africaine. Des chercheurs de l’Institut Royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique et de l’Université Aristote de Thessalonique, en Grèce, ont mis au point une méthode permettant d’isoler la contribution des émissions dues aux navires dans les observations satellitaires de NO2 effectuées par l’instrument TROPOMI. Cela leur a permis d’évaluer l’impact de la crise maritime en mer Rouge sur les niveaux de NO2 le long des principales routes maritimes entre l’Asie, le Moyen-Orient et l’Europe.
Détection par satellite
Le secteur maritime transporte environ 80% des marchandises mondiales et revêt une importance vitale pour l’économie de la planète. Cependant, les activités de transport maritime libèrent des quantités substantielles d’oxydes d’azote (NOx, c’est-à-dire NO2 et NO), une classe de polluants connus pour favoriser la formation d’ozone.
La surveillance de ces émissions depuis l’espace présente des difficultés en raison de la faiblesse du signal et de la contamination par la pollution provenant des régions continentales.
« Afin d’évaluer l’impact des attaques en mer Rouge sur les émissions dues aux navires, nous avons développé une méthode qui met en évidence le signal dû au transport maritime à partir de l’instrument TROPOMI à haute résolution spatiale (3,5 km × 5,5 km) à bord du satellite Sentinel-5p de l’agence spatiale européenne (ESA) », expliquent les chercheurs.
Nombre de navires et NO2 varient de concert
« Nous constatons que le signal de NO2 de TROPOMI en mer Rouge a été considérablement réduit en janvier-juin 2024, par rapport aux années précédentes. Un constat qui est en corrélation avec la diminution du nombre de navires pour les mêmes périodes et régions. A contrario, au même moment, le signal de NO2 et le nombre de navires (obtenu à partir de plates-formes en accès libre qui suivent les navires opérants dans les ports internationaux et sur les routes maritimes) ont augmenté au large de l’Afrique du Sud, dans le détroit du cap de Bonne-Espérance.. »
« Sur le canal de Suez, le nombre mensuel de navires a augmenté régulièrement de janvier 2019 (~1500 navires) à novembre 2023 (~2500 navires) ; après les récentes attaques, il a fortement diminué pour atteindre des niveaux sans précédent (~1000 navires en mars 2024). Cette tendance est confirmée par les données satellitaires. Des résultats similaires s’appliquent au détroit de Bab el-Mandeb, qui relie la mer Rouge à l’océan Indien. »
« Le long de la route du Cap au large de l’Afrique du Sud, la route maritime alternative pour éviter la mer Rouge, le nombre de navires (~1500) et le signal satellite sont très stables au cours de la période 2019-2023. En janvier 2024, plus de 2200 navires l’ont empruntée, ce qui équivaut à une augmentation de ~45% par rapport à la période 2019-2023, tandis qu’une augmentation de ~40% du signal maritime de NO2 a été observée le long de cette voie maritime. »
Cette excellente correspondance entre signal satellite NO2 et nombre de navires, donne une nouvelle affectation à TROPOMI NO2 qui, en plus de contrôler le taux de NO, peut détecter les perturbations du trafic naval.